Le droit d’ingérence vient encore d’être invoqué pour justifier l’entrée en guerre de notre pays en Libye et en Côte d’Ivoire. Si l’on ajoute l’Afghanistan nous pouvons nous interroger non sur la légitimité, l’ONU a bon dos, mais sur le bien fondé de ces interventions au regard des intentions affichées ; la défense des peuples et l’établissement de la démocratie.
Certes les situations sont très différentes mais les mêmes questions se posent : existe-t-il des guerres justes, hormis bien sûr les guerres de résistance à une agression ? Le droit d’ingérence répond-il vraiment aux normes d’une assistance à peuples en danger ? Pourquoi intervient-on ici et pas ailleurs et sur quels critères choisit-on de le faire ? Et surtout, peut-on de l’extérieur dicter aux peuples concernés leur voie d’accès à la démocratie ?
Poser ces questions c’est y répondre. Prenons l’actualité brulante : serait-on intervenu en Libye si la France n’avait à faire oublier sa complicité notoire et son soutien sans faille aux pires dictatures ? Le pétrole libyen est-il vraiment étranger à ce choix ? Pourquoi la Libye et pas la Syrie, le Yémen, le Bahreïn, et Gaza où le peuple palestinien peut crever à ciel ouvert sans que la « communauté internationale » comme s’autoproclame les grandes puissances, ne bouge le petit doigt. A t-on parler de droit d’ingérence au moment de l’offensive israélienne récente qui a fait les dégâts civils que l’on sait à Gaza. Depuis plus d’un demi-siècle quand l’ONU sait-elle « ingérée » pour faire respecter ces propres résolutions ?
Mais me dit-on Benghazi serait devenu un nouveau Guernica sans intervention et cela aurait mis fin au « printemps arabe ». La conquête de la démocratie, ici comme ailleurs, est un long processus et il doit rester sous la maîtrise totale de chaque peuple qui est seul en mesure d’assumer sa propre histoire, ses contradictions et ses choix. Le droit d’ingérence se transforme vite en un droit d’imposer les intérêts de celui qui intervient. La Côte d’Ivoire en est un exemple frappant : pourquoi avoir ajouté du chaos au chaos provoqué par une élection dont personne n’est capable de certifier la régularité. Là aussi les intérêts occidentaux seront sans doute mieux défendus par un ancien du FMI dont la différence avec son adversaire n’est pas claire si l’on en croit les informations sur les exactions commises par ses troupes.
Enfin le droit d’ingérence est inefficace. Il provoque un réflexe nationaliste dont la démocratie ne profite pas. Bernard Henri Levy en 2001 en revenant d’Afghanistan déclare : « Comment ne pas convenir que les américains ont vraiment bien joué et ont démenti les prédictions de ceux qui les voyaient s’embourber ». Décidément les leçons de l’histoire ne lui ont rien appris !
Le droit d’ingérence doit céder la place à la solidarité. Celle-ci doit être politique, économique, financière et parfois militaire quand il s’agit de fournir des armes aux insurgés. La solidarité c’est agir pour rompre avec les politiques menées : celle qui a conduit à armer les Talibans, Kadhafi et Ben Ali, Moubarak et Gbagbo, celle qui a fabriqué la Franceafrique et qui n’a pas été le monopole de la droite. Sur ce plan comme sur d’autres il faut opérer un changement radical.
Un nouvel engagement européen et mondial de la France doit être conforme aux idéaux dont la gauche s’affirme l’héritière : la paix, la liberté et la démocratie.
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