lundi 8 avril 2013

Respect

Le concert de louanges qui entoure la disparition de Stéphane Hessel, à l’exception notable du CRIF, l’étouffe sous des tonnes d’hommages qui ont l’inconvénient parfois de brouiller sa pensée et ses combats dans un consensus trop beau pour être honnête.
Un mot d’abord sur le commentaire imbécile et scandaleux du Président du CRIF. S. Hessel aurait été, selon lui, un « maître à ne pas penser » parce qu’il a eu le courage de soutenir les droits du peuple palestinien et combattre les crimes commis à son endroit. Décidemment l’aveuglement des dirigeants de la communauté juive française est sans limite. Rappelons à ce triste personnage qu’il n’a pas le monopole de la parole juive, que le père de S. Hessel, allemand et juif lui-même, a été interné en 40 au Camp des Milles par la police française et que lui-même a été un grand résistant arrêté et déporté à Buchenwald.
La quasi-unanimité des hommages mette l’accent sur sa capacité incommensurable à s’indigner face aux injustices partout dans le monde.
Mais certains hommages laissent perplexe : comment peut-on mener ou approuver des politiques d’austérité et s’incliner devant un militant  signataire au dernier congrès du PS d’une motion rejetée qui demandait à son parti de changer de politique et de privilégier l’humain contre la finance ?
Comment peut-on refuser d’entendre les vagues successives d’indignés qui de Madrid à Athènes clament leur refus d’une Europe inégalitaire tout en adoptant un budget européen de récession ?
Quand François Hollande rend hommage à « une vie exceptionnelle consacrée à la défense de la dignité humaine » et Harlem Désir salue « son cri d’indignation, de révolte contre l’injustice » ils devraient relire  « Indignez-vous » où S. Hessel dénonce notamment l’écart grandissant entre les très riches et les très pauvres.
Quand Libération fait sa une sur « Le juste » il devrait se souvenir que Hessel condamnait sans réserve la dictature des marchés financiers et les acquis bradés du Conseil National de la Résistance alors que ce journal a approuvé l’accord Medef-Cfdt, accepte l’aggravation de nos régimes de retraite et le démantèlement de nos services publics. Il faudrait se résigner alors que S. Hessel nous appelait à faire tout le contraire. Rendre hommage sans hypocrisie à S.Hessel consiste à entrer en résistance, à agir en faveur de ce qu’il nommait une « insurrection pacifique ». Car sa pensée ne se réduisait pas à son appel à l’indignation. Son dernier livre « A nous de jouer » propose de construire un monde nouveau où l’intervention citoyenne est la clé du changement.  « Le succès de « Indignez-vous » dira-t-il s’explique par un moment historique où les sociétés sont perdues, se demandent comment faire pour s’en sortir et cherchent un sens à l’aventure humaine ».
L’humanité est effectivement en panne de sens et ce n’est pas en reproduisant des schémas éculés qui marient la concurrence sauvage et l’autoritarisme, la technocratie froide et  l’inégalité sociale, le mépris des petits et la dévalorisation de la pensée que l’on permettra aux peuples de retrouver les chemins de la liberté et de l’émancipation.
A nous de jouer !

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