La
simultanéité de la visite de Valls à Marseille avec les règlements de comptes
dans la cité de la Castellane est d’une symbolique dévastatrice. Elle montre à
quel point sa réponse sécuritaire est inefficace et pas à la hauteur des
problèmes. Sa réflexion repose sur un tryptique inopérant et dangereux.
Apartheid :
outre l’aberration qui consiste à comparer l’incomparable, ce mot fige une réalité
d’une grande complexité, stigmatise des territoires, faussement qualifié de
zones non-droits et construit dans l’imaginaire des français un ennemi de
l’intérieur. Il ethnicise une situation qui relève d’une crise identitaire fortement
contextualisée par la crise sociale.
Ghetto :
il renforce l’idée d’extériorité à la société française et culpabilise les
populations concernées. Ce sont elles qui se regrouperaient et qui refuseraient
de s’intégrer à notre pays. Ghetto renvoie à un autre qualificatif :
« population issue de l’immigration ». Comme si « ces
gens-là » n’étaient pas français à part entière. Comme s’ils avaient
encore à payer une dette.
Peuplement :
il fleure bon la préférence nationale et le concept éculé du seuil de
tolérance. En quoi la mixité sociale peut-elle résoudre les difficultés d’une
population qui, où qu’elle se trouve, continuera d’être confrontée aux mêmes
enjeux, l’emploi, le logement, l’école, la santé, la culture.
On ne change
pas le peuple quand il ne vous convient pas. Il est le peuple et il le restera
sauf à organiser des déportations massives, imaginées d’ailleurs par des
esprits malades dont s’inspire le FN.
Le lien
entre ces 3 termes est diabolique. Il laisse entendre que ce sont les quartiers
populaires et les populations qui y vivent qui ont un problème avec la société
française, la République et l’Etat. Or c’est au contraire notre société et ses
pouvoirs publics qui ont un problème avec les classes populaires et les
territoires au sein desquels elles ont été reléguées.
Qui est
responsable du chômage de masse qui frappe, les espaces marqués par la
désindustrialisation et la paupérisation ?
Qui a
produit un logement social ségrégué hors des centralités ?
Qui n’a pas
vu venir la crise de l’école et son inadaptation aux enjeux
d’aujourd’hui ?
Qui a mis en
œuvre des politiques de la ville réduite à des emplâtres hors de tout impact
réel sur l’emploi et les services publics ?
Qui a
soufflé sur les braises de la division entre « eux » et
« nous », comme s’il s’agissait d’une incompatibilité ethnique ou
religieuse, diffamant des cités et des populations ?
Qui enfin pense
que seule l’option sécuritaire et répressive est possible, faisant resurgir du
19e siècle le spectre des classes dangereuses et l’idée de
châtiment ?
En réalité
ces quartiers et ces populations sont le symptôme de notre société, malade de
ses inégalités, gangrénée par le racisme et la division, hantée par la peur de
connaitre l’extrême précarité.
Tel Tartuffe
nous voudrions bien cacher ces misérables que nous ne saurions voir. Mais c’est
impossible et il nous faudra bien nous poser la seule question qui
vaille : comment garantir à tous l’égalité des droits dans la République
une et indivisible, le partage du travail et des richesses, l’appropriation des
savoirs et des cultures, l’exercice libre et fraternel de la citoyenneté
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