La Grèce a l’immense
mérite de rendre visible la mécanique qui permet aux dirigeants de l’Europe
d’imposer leur diktat.
Dans son
dernier ouvrage, « L’individu ingouvernable » Roland Gori définit
cette mécanique : l’Europe n’a pas été construite sur un modèle démocratique
mais sur une mise sous curatelle technico-financière, une logique purement comptable,
une vision néolibérale du monde, un cadre juridique et politique
coercitif : les principales structures décisionnaires, la Commission, la
BCE, l’euro-groupe ne relève d’aucune légitimité populaire ; le Conseil
européen, réunion des chefs d’Etats fonctionne depuis l’origine sur un
consensus politique, entre la droite et la social-démocratie. Seul est élu le
Parlement dont les pouvoirs sont limités. Il est à la fois le prolongement du
partage des rôles entre libéraux et sociaux libéraux et le lieu d’expression
d’autres visions de l’Europe. Celles de la gauche radicale, du mouvement
écologique mais aussi des divers courants national-populistes qui émergent dans
toute l’Europe. Le néolibéralisme domine car son pouvoir exprime le poids
écrasant des oligarchies financières. Le ministre allemand Schauble peut encore
dire, cette phrase terrible : « On ne peut laisser des élections
changer quoi que ce soit ».
On a parlé à
juste titre d’un coup d’Etat. Tel le Chili de la CIA et de Pinochet mais sans la
violence, en quelque sorte un coup d’Etat financier froid, rendu possible par
la mécanique que je viens de décrire.
Alors que
faire ? Abandonner l’Europe dont beaucoup dépendent, au face à face
mortifère entre libéraux et populistes ? Inventer un nationalisme de
gauche au risque de nous mettre à la remorque des lepénistes ?
Au sortir de
l’abomination nazie, les sociaux-démocrates ont justifié leur ralliement aux
libéraux en invoquant l’argument de la paix et de ne plus revoir la barbarie. Certains
aujourd’hui nous poussent à l’inverse à une alliance souverainiste et populiste
contre les libéraux. C’est un piège tout aussi redoutable dont nous savons le
prix : explosion des racismes et du sexisme, guerre des nationalismes et
des identitarismes, obscurantisme culturel accompagnant une immense régression
sociale.
Il n’y a
donc pas de raccourci possible : au lieu de se perdre dans des crispations
partisanes et des querelles subalternes, de donner des leçons ou de lancer des
anathèmes, la gauche et les écologistes feraient mieux de se poser la seule
question qui vaille : comment ensemble gagner les peuples européens à la
conscience d’une refondation sociale, écologique et démocratique de
l’Europe ? Comment en finir avec les totalitarismes qui nous bouchent la
vue et la voie de l’émancipation ?
C’est
désormais possible : le Sinn Fein en Irlande, Corbyn en Angleterre, Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, qui
continue de se battre quoiqu’en disent les esprits chagrins, l’existence d’une gauche
et d’une écologie alternatives, d’un mouvement syndical ouvrent l’espoir :
construisons donc pas à pas un rapport de forces à l’échelle de chaque pays
comme à celle du continent.
Cessons de
voir le réel blanc ou noir. Il est arc-en-ciel et charrie autant de
contradictions que de potentiels pour les dépasser.
Un peu de dialectique
camarades ! C’est me semble-t-il la chose la moins partagée par ces temps
obscurs que nous traversons. Un peu plus de l’optimisme dont parle Gramsci, de
la volonté et de l’action.
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