mardi 29 septembre 2015

Un peu de dialectique !

La Grèce a l’immense mérite de rendre visible la mécanique qui permet aux dirigeants de l’Europe d’imposer leur diktat.
Dans son dernier ouvrage, « L’individu ingouvernable » Roland Gori définit cette mécanique : l’Europe n’a pas été construite sur un modèle démocratique mais sur une mise sous curatelle technico-financière, une logique purement comptable, une vision néolibérale du monde, un cadre juridique et politique coercitif : les principales structures décisionnaires, la Commission, la BCE, l’euro-groupe ne relève d’aucune légitimité populaire ; le Conseil européen, réunion des chefs d’Etats fonctionne depuis l’origine sur un consensus politique, entre la droite et la social-démocratie. Seul est élu le Parlement dont les pouvoirs sont limités. Il est à la fois le prolongement du partage des rôles entre libéraux et sociaux libéraux et le lieu d’expression d’autres visions de l’Europe. Celles de la gauche radicale, du mouvement écologique mais aussi des divers courants national-populistes qui émergent dans toute l’Europe. Le néolibéralisme domine car son pouvoir exprime le poids écrasant des oligarchies financières. Le ministre allemand Schauble peut encore dire, cette phrase terrible : « On ne peut laisser des élections changer quoi que ce soit ».
On a parlé à juste titre d’un coup d’Etat. Tel le Chili de la CIA et de Pinochet mais sans la violence, en quelque sorte un coup d’Etat financier froid, rendu possible par la mécanique que je viens de décrire.
Alors que faire ? Abandonner l’Europe dont beaucoup dépendent, au face à face mortifère entre libéraux et populistes ? Inventer un nationalisme de gauche au risque de nous mettre à la remorque des lepénistes ?
Au sortir de l’abomination nazie, les sociaux-démocrates ont justifié leur ralliement aux libéraux en invoquant l’argument de la paix et de ne plus revoir la barbarie. Certains aujourd’hui nous poussent à l’inverse à une alliance souverainiste et populiste contre les libéraux. C’est un piège tout aussi redoutable dont nous savons le prix : explosion des racismes et du sexisme, guerre des nationalismes et des identitarismes, obscurantisme culturel accompagnant une immense régression sociale.
Il n’y a donc pas de raccourci possible : au lieu de se perdre dans des crispations partisanes et des querelles subalternes, de donner des leçons ou de lancer des anathèmes, la gauche et les écologistes feraient mieux de se poser la seule question qui vaille : comment ensemble gagner les peuples européens à la conscience d’une refondation sociale, écologique et démocratique de l’Europe ? Comment en finir avec les totalitarismes qui nous bouchent la vue et la voie de l’émancipation ?
C’est désormais possible : le Sinn Fein en Irlande, Corbyn en Angleterre,  Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, qui continue de se battre quoiqu’en disent les esprits chagrins, l’existence d’une gauche et d’une écologie alternatives, d’un mouvement syndical ouvrent l’espoir : construisons donc pas à pas un rapport de forces à l’échelle de chaque pays comme à celle du continent.
Cessons de voir le réel blanc ou noir. Il est arc-en-ciel et charrie autant de contradictions que de potentiels pour les dépasser.
Un peu de dialectique camarades ! C’est me semble-t-il la chose la moins partagée par ces temps obscurs que nous traversons. Un peu plus de l’optimisme dont parle Gramsci, de la volonté et de l’action.

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