lundi 25 janvier 2016

« Essayez l’ignorance ! »


Devant le désarroi des français face aux attentats M. Valls préfère agiter la peur que faire appel à la raison. Il a même trouvé un argument qui laisse pantois : il ne faut plus tenter de comprendre car « expliquer c’est déjà excuser ». Silence donc dans les rangs et place à la seule réponse qui lui va, la réponse sécuritaire. La communauté des sciences sociales en a les bras qui tombent ! Le Premier ministre de la 6è puissance mondiale nous dit avec l’aplomb qu’on lui connait que gouverner peut se faire aujourd’hui sans intelligence des problèmes, des causes comme des solutions possibles. Dans un monde complexe il préfère refuser de savoir ! Une telle bêtise est incommensurable. Elle est le symptôme d’un pouvoir en perdition, sans boussole. Elle est le signe des dangers qui nous menacent et de l’impasse où ils nous conduisent. Car l’exécutif se trompe d’analyse et je me limiterai à traiter deux questions pour le montrer.
 Au plan national d’abord, les sociologues unanimes alertent depuis de nombreuses années sur la situation des générations issues des immigrations ouvrières des années 60 en provenance de nos anciennes colonies africaines. La désindustrialisation massive qui s’en est suivi a provoqué une précarisation généralisée, le développement d’une économie illégale et in fine une marginalisation sociale et culturelle d’une grande partie de ces jeunes. A cela  s’ajoute que nous n’avons pas su décoloniser le regard discriminant et xénophobe que nous leur accordons. C’est l’origine de cette quête éperdue d’une reconnaissance sociale alternative à celle que leur refuse notre société. Elle favorise un repli identitaire, souvent mal maitrisé, parfois sans lien avec le réseau communautariste, mais qui devient le terreau idéal où peut s’exercer pulsion de mort et fascination pour les idéologies de haine et d’extermination de l’autre, celui qui les a rejetés.

Certains y cèdent d’autant plus facilement qu’à l’échelle mondiale, le monde Arabo-musulman traverse une des plus graves crises politiques et identitaires de son histoire multiséculaire. Là encore les travaux des orientalistes nous montrent que les affrontements religieux entre musulmans sont pour une grande part la résultante de dominations étrangères, Ottomane puis Occidentale, uniquement préoccupées de piller les richesses, de diviser pour régner et d’écraser les peuples sous la misère et l’arriération. Toutes les tentatives progressistes et laïques nées, y compris récemment, dans ces pays ont été noyés dans le sang par des bourgeoisies locales sous l’égide des puissances coloniales et impériales dont l’avidité n’a d’égale que leur mépris et leur ignorance du monde oriental. Le refus permanent des puissances mondiales et régionales d’imposer la paix et la reconnaissance mutuelle entre Israël et la Palestine est très révélateur de cette volonté de faire perdurer un chaos  qui leur profite. C’est dans ce cadre qu’a émergé ce qu’on a pris l’habitude de nommer le Djihadisme. Longtemps jouet manipulé par les USA, l’Europe et leurs alliés locaux, il prétend aujourd’hui leur faire une guerre sainte et apparait en Europe aux yeux d’une jeunesse à la dérive comme un phare. En réalité Daesh est l’enfant monstrueux du capitalisme mondialisé qu’il tente d’ailleurs d’imiter. Loin d’être un  Etat, c’est en fait une multinationale sans foi ni loi, fondée sur le crime et la rapine.

Voilà Monsieur Valls ce qu’en quelques mots vous auriez appris si, pour mieux masquer votre adieu à la gauche,  vous n’aviez fait le choix de refuser « le savoir et d’essayer l’ignorance ». (A. Lincoln)

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