A en croire M. Valls les gens de gauche qui refusent, au nom
de leurs valeurs, la déchéance de nationalité et la constitutionnalisation de
l’état d’urgence sont des égarés. Un égaré, par définition, n’est plus dans le
troupeau, il s’est perdu ou plus vraisemblablement dans le cas présent, il
s’est délibérément mis à l’écart. Mais empêtrés dans une misérable manœuvre
politicienne pour rallier la droite et l’extrême droite à son panache, F.
Hollande n’a pas vu venir sur sa gauche l’ampleur de la fronde. Il a brandit la
menace d’un référendum pour intimer aux frondeurs l’ordre de rentrer dans le
rang. Sans succès. Désormais il se lance dans une surenchère, véritable fuite
en avant face à un peuple de gauche qui se dérobe chaque jour un peu plus.
Car au fond c’est quoi être égaré aujourd’hui quand on se
réclame de la gauche ? C’est tout simplement refuser que l’on gouverne en son
nom en prenant des décisions, en mettant en œuvre des politiques, en faisant
des déclarations qui sont aux antipodes de ce que la gauche porte dans ce pays
depuis des décennies. Quoiqu’en pensent F. Hollande, M. Valls, E. Macron et
leurs affidés, nous tenons, à gauche, à notre héritage : celui de la
Révolution française et de son triptyque
liberté, égalité, fraternité auquel il faut ajouter le droit du sol ;
celui d’une République unique, indivisible et laïque ; celui des grandes
avancées sociales du Front populaire, des idéaux de la Résistance au fascisme
et au nazisme, du programme du CNR, des combats pour la paix et l’indépendance
des peuples colonisés ou encore celui des aspirations libertaires et féministes
issues de mai 68. C’est notre imaginaire politique même si nous en sommes
conscients, il exige face aux formidables mutations du monde une vision émancipatrice
radicalement novatrice susceptible de s’opposer tout à la fois aux ravages du
capitalisme comme aux ténèbres nationalistes et néofascistes.
Pourquoi alors tous ceux qui se reconnaissent dans ces
valeurs tant décriées au sommet de l’état, ne parviennent-ils pas à se
rassembler et à faire prévaloir une autre orientation véritablement de
gauche ? Sommes-nous à ce point gagnés par la peur des loups pour être
d’ores et déjà prêts à nous réfugier sous l’aile prétendument protectrice d’un
Hollande ou d’un Juppé ? Sommes-nous à ce point désespérés et sans
confiance en nous pour penser que les « eaux glacées » du
capital sont plus supportables que les « eaux glauques » de la
barbarie ? Sommes-nous à ce point crédule pour ne pas voir qu’il s’agit à
l’échelle planétaire d’un couple infernal dont le second est le produit du
premier, destiné précisément à lui sauver la mise ?
Les libéraux au pouvoir ou ceux qui aspirent à y accéder nous
demandent de sacrifier acquis sociaux, code du travail et services publics mais
pour quoi en échange ? D’abandonner libertés, démocratie et paix mais
pour quelle sécurité ? De rejeter ceux qui viennent d’ailleurs mais pour
quelle perspective, survivre entre nous ? Ils prétendent défendre la
civilisation contre la barbarie. En fait ils nous font glisser progressivement
de la civilisation vers la barbarie.
Cette voie n’est pas sans issue. En réalité son issue est
terrible. Il est donc très important de nommer les choses, d’analyser les
causes, de rassembler pour agir. Mais il est surtout décisif de comprendre que
c’est l’absence de pensée, de projet et de politique alternative qui nous
bouche le passage.
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