jeudi 4 février 2016

La macronisation de la société française

Les mouvements sociaux sont révélateurs d’une lame de fond qui travaille notre société. Certains la nomment « ubérisation » comme si la liberté d’entreprendre était la victime d’un Etat omnipotent. Je préfère la désigner du nom du nouveau chantre de la pensée ultra-libérale, E. Macron. Qu’est-ce que la macronisation de la société ? Ce n’est pas comme il le prétend lui-même la  liberté donnée aux individus d’être les autoentrepreneurs de leur vie, voire pourquoi pas de « devenir milliardaire ». C’est encore moins comme il l’a affirmée à Davos un moyen de déverrouiller l’économie pour créer des millions d’emplois prétendument à portée de mains à condition dit-il d’être pragmatique. Attribuant faussement à Mao une phrase de Deng Xiaoping, « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris c’est un bon chat », il a simplement oublié de nous dire pourquoi le chômage suit une courbe ascensionnelle depuis qu’il est à Bercy.

La macronisation de la société est en réalité responsable du chômage précisément parce qu’elle est un immense processus de dérégulation et de démantèlement d’un modèle social durement conquis par des luttes et des moments politiques forts tels le Front populaire, le programme du CNR , les accords de Grenelle en 68 ou les quelques avancées début  80 ou fin 90.
La macronisation c’est l’austérité généralisée sur le mode « travailler plus et gagner moins ». C’est l’exacerbation de la concurrence au profit d’une compétitivité qui ne bénéficie qu’aux patrons dont parait-il « la vie est plus dure que celle d’un salarié ». C’est la mise en cause des droits des salariés, des retraités, des chômeurs. C’est même leur stigmatisation jusqu’à l’insulte quand il traite les ouvrières de l’entreprise Gad « d’illettrées » leur signifiant ainsi qu’elles étaient responsables de leurs licenciements. C’est l’abandon des garanties qui encadrent et protègent les professions indépendantes, médecins, avocats, artisans, taxis… C’est la soumission des paysans à la grande distribution et aux géants de l’agro-alimentaire. C’est le démantèlement de la protection sociale et la perte du sens même du service public, la casse de la Fonction publique, de l’Education nationale et de la culture. C’est la mort du code du travail tant les principes énoncés par R. Badinter s’avèreront des principes passoires puisque soumis à toutes les dérogations exigées par le Medef. Finis le Cdi, le Smic, les 35h, les garanties prudhommales et bien d’autres acquis sociaux. Finies les réglementations fixées par la loi et s’imposant à tous. Désormais c’est dans l’entreprise que tout se négociera sous la contrainte patronale puisque le salariat est par définition un rapport de domination. L’objectif de la manœuvre est clair : en permettant à des syndicats minoritaires d’imposer par référendum des décisions refusées par les syndicats majoritaires, on individualisera définitivement les destins humains, les soumettant ainsi au bon vouloir des dominants.

L’idéologie macronienne est tout aussi partagée avec la droite et son extrême que la volonté  d’instaurer  l’état-d’ urgence  permanent et la déchéance de nationalité. C’est donc bien une contre-révolution conservatrice qui est en marche. Deux faits l’ont confirmé symboliquement cette semaine, l’installation d’Alain Finkelkraut à l’Académie Française et le départ de Christiane Taubira du gouvernement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire