La période des festivals est toujours l’occasion de
s’interroger sur l’état de l’art et de la culture dans notre pays. C’est
d’autant plus essentiel de le faire que nous traversons des temps
particulièrement sombres : l’art et la culture sont attaqués, abandonnés
par la puissance publique et livrés aux marchands du temple. Mais la politique
est elle aussi discréditée, soumise aux impératifs de la finance et pire encore
à une régression nationaliste et populiste. Politique et culture sont toutes deux soumises à ce que Pasolini décrit
à l’aide de la métaphore de la disparition des lucioles. Quelque chose qui
n’était pas prévisible a bouleversé nos valeurs, notre imaginaire, nos langages
et nos comportements. Une forme de totalitarisme globalisé, financier,
productiviste et consumériste est en passe d’imposer son hégémonie culturelle.
Des œuvres, des langages, des artistes, des lieux disparaissent. La
technocratisation de la culture va de pair avec la rationalisation et la
standardisation de la production industrielle de l’art qui prolifèrent sur les
ruines de la politique et de la démocratie, ouvrant ainsi la voie aux forces
obscures de la barbarie. Le libéralisme veut transformer l’humain en produit
normé et valorisable, le populisme veut l’enchainer à des identités figées et
archaïques.
Or l’art et la politique sont indissociables et il ne saurait
y avoir d’émancipation politique sans émancipation culturelle et inversement. La crise politique actuelle est à la fois une
mise en cause de la démocratie dont l’objectif est d’interdire aux peuples de
faire leur histoire et une mise à l’encan de la culture afin de fabriquer l’aliénation
des peuples et leur servitude volontaire ; c’est l’origine des difficultés
que la gauche alternative rencontre pour transformer l’immense colère sociale
qui s’exprime dans les luttes contre la loi El Khomri en force matérielle
émancipatrice. La lutte, même victorieuse comme celle des intermittents du spectacle,
n’est durable que si elle s’inscrit dans un mouvement politique et culturel
transformateur.
« La culture est ce
qui relie les humains entre eux par leurs œuvres et leurs productions, leur
manière de sentir, d’éprouver, de dire et de faire » (Roland Gori). C’est
en effet du pouvoir des mots, des symboles et des idées que nait l’engagement
politique et sa capacité à écrire un nouveau récit émancipateur, libérateur des
chaines auxquelles le système dominant nous aliène. Pour inventer ce récit
osons un nouveau rapport entre l’art, la culture et la politique.
Tous ceux qui sont debout le jour comme la nuit ont les mêmes
rêves de liberté, d’égalité, de fraternité. Travaillons ensemble pour les
atteindre. Nous sommes des millions à ne plus vouloir d’une politique
dénuée d’humanisme, de culture et d’imaginaire. Nous sommes des millions à
vouloir vivre le temps du commun, ce monde de demain qui aura pour seule
ambition l’avenir solidaire de l’humanité et de la planète. C’est possible car
« là où croit le péril croit aussi ce qui sauve » (Hölderlin).
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