jeudi 3 mars 2011

Révolution citoyenne

J’ai déjà dit à quel point le printemps démocratique au sud de la méditerranée est une excellente nouvelle pour les peuples concernés. Il est aussi riche d’enseignement pour nos démocraties qui ne peuvent plus se poser en modèle. C’est sans doute la raison de l’embarras actuel de la France et de l’Europe.
Deux exemples récents suffiront à illustrer mon propos : nous avions dit non au traité constitutionnel européen. Or il est appliqué par un tour de passe-passe antidémocratique d’une Europe dont la gouvernance, écarte les citoyens de tout débat d’orientation sur les politiques menées. La réforme sarkozyste des retraites a mis dans la rue des millions d’opposants et les sondages ont confirmé le rejet du peuple français. Or la réforme est appliquée dans son intégralité.
Il y a désormais un large consensus pour constater que notre système politique est malade à plus d’un titre et qu’il ne permet plus une expression fidèle des aspirations populaires et leur prise en compte.
Le numéro de février de Philosophie Magazine est à cet égard très intéressant. Il pose la question ; le peuple a-t-il perdu le pouvoir ? Il nous apprend que 49 % des français considèrent que la démocratie a reculé lors des 10 dernières années contre 14 % qui estiment qu’elle a progressé ; qu’une majorité des français voudraient que la parité femmes/hommes s’imposent en politique ; que des comités populaires composés de citoyens tirés au sort soient chargés de contrôler l’action des élus ; qu’une loi qui provoque une manifestation réunissant plus d’un million de personnes soit révisée ; que les grands sujets de société soient soumis à référendum... Plus intéressant encore : cette étude contredit l’évidence assenée par les Instituts de sondage qui attribuent le vote de gauche et l’aspiration à la démocratie aux élites intellectuelles et aux cadres alors que les couches populaires seraient plus attirées par une droite sécuritaire, antifiscaliste et populiste.
Or cette étude montre à l’inverse que les ouvriers aspirent à davantage de démocratie alors que les cadres sont nettement plus circonspects.
Dans ce même numéro Jacques Rancière dénonce ces intellectuels qui critiquaient le totalitarisme soviétique au nom de la démocratie et qui aujourd’hui opposent « la raison éclairée des élites à une ignorance des masses ». Ils confortent ainsi le régime oligarchique qui selon Rancière, mais aussi les sociologues Pinçon-Charlot, a subrepticement remplacé, en occident, la démocratie sous la pression du gouvernement de la finance mondiale. La politique a été réduite à une portion congrue, le pouvoir à un théâtre sans contenu, le mouvement social à un rituel que l’on criminalise ou que l’on n’écoute plus ce qui permet de rejeter toute contestation.
Comment avons-nous laissé la démocratie dériver vers l’oligarchie ? Comment s’y opposer ? Il devient évident nous dit Michel Elchaninoff dans le même dossier que voter à intervalle régulier ne suffit plus. Le moment décisif pour une démocratie n’est pas celui du vote mais celui du débat qui le précède. Ce moment délibératif ne doit pas être réservé aux campagnes électorales. Il doit être mobilisé en permanence et à toutes les échelles. L’auteur appelle à une « prise de participation » du peuple qui lui permettra de renverser l’oligarchie et d’inventer de nouvelles manières de gouverner. La démocratie n’est pas un régime, c’est une création permanente sans fin préétablie. Il est désormais urgent que les peuples européens posent à nouveau la question d’une révolution citoyenne.

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