lundi 30 mai 2011

Indignados : les personnes ou les marchés ?

« Serions-nous myopes ? » Interroge J.C Guillebaud dans le Nouvel Observateur en affirmant que l’actualité ne se passe pas à New York devant le domicile luxueux de DSK mais à Madrid, à Athènes, Dublin, Lisbonne.
Souvenez-vous, quand Stéphane Hessel publie « Indignez-vous ! » les belles âmes qui occupent en permanence les médias ont fait preuve de mépris certains à l’égard d’un livre qu’ils ont qualifié de simpliste et de populiste. Depuis il y a eu la « dégage attitude » en Tunisie, en Egypte mais aussi au Yémen, en Syrie, en Lybie contre les dictatures et la misère. Désormais, il y a les révoltes populaires en Europe contre l’austérité à la sauce FMI. Et aujourd’hui, il y a le mouvement espagnol des « indignados » qui met en cause le pouvoir des banques « vous prenez l’argent nous prenons la rue » ou « nous sommes des personnes pas des marchés », accuse le système « qui est contre nous » et exige « une vraie démocratie maintenant ».

Ces slogans nous parlent d’autre chose que l’incroyable note de Terra Nova qui conseille au parti socialiste d’exclure les classes populaires des ses ambitions électorales. Il paraît qu’elles ne sont pas assez cultivées pour comprendre le projet socialiste. Celui-ci devrait plutôt « cibler » les classes moyennes en privilégiant « les questions de société » et abandonner les pauvres », leurs problèmes triviaux d’emploi, de pouvoir d’achat, de mal vie au populisme de droite et d’extrême droite. On ne dira pas assez à quel point la conception de la gauche que véhicule un tel discours est terrifiante. Je comprends de mieux en mieux par quel cheminement intellectuel une part importante de la gauche française a plébiscité comme candidat à la présidentielle, un personnage dont l’action à la tête du FMI est une cause des protestations populaires en Méditerranée et en Europe.

L’échec cuisant des socialistes espagnols aux élections locales sonne comme un avertissement et m’inspire deux remarques :
- Il y a urgence aujourd’hui à unir toutes les catégories sociales victimes de la crise et des politiques d’austérité imposées par le G8, le FMI et le pacte Euro +, des plus pauvres aux moins pauvres, des plus précarisés à ceux qui ne le sont pas encore. Diviser les dominés sur des critères sociaux et culturels relèvent de la même logique qui pousse le FN et l’UMP à diviser les classes populaires sur une base ethnique. Dans tous les cas ce sont les dominants, en l’occurrence l’oligarchie qui écrase tout sous la loi d’airain des marchés financiers, qui se frottent les mains.

- Le rejet actuel de Sarkozy ne se traduira pas automatiquement par une victoire de la gauche. Face à l’ampleur de la crise et au refus populaire d’en payer la note, une gauche qui donne le sentiment de ne pas affronter les vrais responsables et d’accompagner les politiques d’austérité, contribue à la perte de repères et au désarroi de son électorat, aggrave les risques d’abstention et ouvre un boulevard à une droite radicalisée, populiste et autoritaire dont l’objectif n’est rien d’autre que de prolonger l’agonie d’un capitalisme à bout de souffle mais qui ne s’effondrera pas tout seul.
C’est là que l’espoir suscité par le Front de Gauche prend tout son sens à condition qu’il ne se réduise pas à n’être qu’un cartel d’organisations qui se positionne à la gauche de la gauche. Il doit devenir un véritable Front populaire et citoyen dont l’ambition est d’entraîner toute la gauche vers un nouvel horizon, social, démocratique et écologique.

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