mardi 17 mai 2011

Intervention liminaire d’ALAIN HAYOT au Forum du Front de Gauche sur la culture

Vous l’avez sans doute lu, des magazines à vocation culturelle, les Irockuptibles et Télérama, pour ne pas les nommer ont parlé du « vide sidéral » de la gauche en matière culturelle. Ils faisaient explicitement référence au programme du Parti socialiste. On peut leur reprocher de ne regarder que d’un seul côté de la gauche, mais là n’est pas l’essentiel car ils ont mis le doigt sur un problème réel. Je veux les rassurer : le Front de Gauche a une conscience aigüe de cet enjeu. Le Parti communiste, le Parti de Gauche, la Gauche Unitaire sont au travail avec d’autres. Des collectifs cultures réfléchissent au sein de chacun des partis, les communistes tiennent, en partenariat avec Espaces Marx, un séminaire sur les rapports entre culture et politique et nous avons créé ensemble un « Front de Gauche de la Culture » réunissant très largement ceux qui se sentent concernés par l’avenir des politiques publiques de l’art et de la culture.
Ce soir, nous allons mettre en musique les premiers résultats de cette réflexion collective. Nous vous avons distribué un texte, qui vous propose « une nouvelle ambition politique pour l’art, la culture et l’information». Il s’agit en quelque sorte d’un texte « martyr » destiné à être débattu, critiqué, enrichi. Ce premier forum national sera suivi, nous l’espérons, d’autres dans les régions.

Il s’agit de vous associer à l’élaboration du « programme partagé du Front de Gauche » en vue des prochaines échéances. Mais pas seulement. Au-delà, nous avons une grande ambition, refonder le rapport de la gauche à l’art et à la culture.

Ce forum, nous l’avons imaginé comme le point de départ d’une co-élaboration citoyenne à travers les chantiers qui vous sont soumis : le texte en dénombre 7 et il y en a probablement d’autres. A vous de nous le dire. De la refondation du service public de la culture à la construction d’une mondialité culturelle, du rétablissement d’un lien étroit entre le soutien à la création et la démocratie culturelle, à la définition claire du partenariat entre l’Etat et les collectivités, du combat contre toutes les formes de marchandisation et de soumission à l’argent de la culture, des médias et de l’Internet, à la question clé des moyens d’une telle politique, le chantier est considérable mais il est urgent et décisif pour la gauche de l’ouvrir.
En introduction à ce débat, je voudrais insister sur quelques idées forces qui traversent ce texte.

- 1) La culture n’est pas une thématique parmi d’autres de l’action publique c’est celle qui en donne le sens. Elle est donc transversale à toutes les politiques publiques. Pour la gauche la culture, pour reprendre Marie-José Mondzain, est la condition de la politique, parce que notre projet se fixe pour ambition de changer la société et la vie, de promouvoir l’émancipation humaine, la préservation de la nature et d’opérer une véritable révolution citoyenne qui remette le pouvoir entre les mains du peuple.

- 2) Soutenir la création et l’innovation, garantir la liberté artistique comme celle de la pensée sont les moteurs d’une politique culturelle de gauche. Et face à la régression sarkozyste, il nous faut impérativement, repenser et relancer ces moteurs-là. Dans un même mouvement, il est absolument nécessaire et urgent de revenir sur la rupture qui s’est progressivement instaurée entre la création et l’éducation populaire, entre l’art et l’action socio-culturelle. C’est un enjeu majeur pour réactiver notre ambition démocratique en la matière. Ce qui nous amènera sans doute à retravailler les conditions de production, de diffusion et d’appropriation sociale de l’acte artistique.

- 3) La culture est une dimension majeure du rapport à l’autre, du vivre ensemble dans une société qui doit reconnaître le pluralisme et la diversité des expressions culturelles, dans notre pays comme à l’échelle de l’Europe et du « tout monde » pour reprendre l’expression d’Edouard Glissant.

- 4) La culture enfin est devenue un enjeu majeur du développement économique et social de nos sociétés. Peu de gens le savent mais elle représente désormais dans un pays comme le nôtre, 4 % de la richesse produite. Ce constat doit nous amener à prendre deux décisions.

- Consacrer des moyens publics nouveaux en faveur, de l’art et de la culture. Nous mettons en débat la proposition chère à Jack Ralite de consacrer 1 %, non du budget de l’Etat, mais du PIB de la nation à la culture. Cela représentera une augmentation d’environ 1/3 des budgets publics actuels, Etat et collectivités confondus.

- Apporter un soutien plus fort au développement d’une économie alternative de la culture afin de l’affranchir du poids des puissances financières et industrielles. Cela concernera en particulier l’économie du livre, du disque du cinéma et de l’audiovisuel.
Vous l’avez compris, il s’agit contre toutes les formes d’endormissements de la pensée de contribuer à ce que la gauche retrouve les chemins de l’imaginaire, du sensible, du rêve, de l’utopie afin de rouvrir l’espoir d’un autre monde.

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