lundi 9 mai 2011

Justice est faite ?

C’est par ces mots que Barack Obama a commenté la mort de Ben Laden. Les américains, traumatises légitimement par les milliers de morts du 11 septembre 2001, ont clamé leur joie et pensent pouvoir faire enfin leur deuil. Mais la justice a-t-elle réellement été rendue ?
La mission du commando n’était pas de capturer le chef d’Al-Qaïda afin de le traduire devant une cour mais de le tuer et de faire disparaître son corps et même son image. Au-delà de l’avantage électoral recherché par Obama et la crainte d’éventuelles révélations sur les soutiens américains dont Ben Laden a bénéficié, les circonstances de sa mort posent une question philosophique majeure : une nation qui se donne pour mission de défendre et de promouvoir la liberté et les droits humains dans le monde peut-elle opposer la barbarie à la barbarie ? Peut-elle, sans risque pour l’avenir, légitimer le retour à la loi du talion au mépris de toutes les règles que le monde tente de se donner depuis la dernière guerre mondiale et la création de l’ONU dont je rappelle que la charte fondatrice veut maintenir la paix et la sécurité, veiller au respect des droits humains, promouvoir le progrès social et culturel, l’amitié et la coopération entre les nations.
Une justice, conforme à ces principes, aurait mérité un procès public afin de mieux comprendre le terrorisme islamiste, ses motivations réelles, ses causes sociales et les ressorts de l’adhésion populaire qu’il a obtenu durant une période.
C’est ainsi que le procès de Nuremberg a aidé à comprendre que le nazisme, n’était pas l’œuvre de fous, mais d’une vision du monde et qu’il a généré un modèle de pouvoir au service des puissants, tout en recueillant l’adhésion d’un peuple à qui l’on a donné en pâture des boucs émissaires à son mal être. Les peuples européens y compris le peuple Allemand, en ont tiré bénéfice et permis la construction d’une Europe où la paix règne depuis plus d’un demi-siècle.

Un procès public du dirigeant emblématique d’Al-Qaïda aurait été le meilleur service à rendre aux mouvements en faveur de la démocratie qui se développent au Sud et à l’Est de la Méditerranée. Ces mouvements sont plus sûrement à l’origine de l’isolement du fondamentalisme religieux et politique que les guerres injustes et inefficaces que mènent l’occident en Irak et en Afghanistan. Plutôt que de s’extasier sur le prétendu exploit de l’armée américaine contre un homme malade et déjà mort politiquement, il est urgent d’amplifier la solidarité avec les peuples syriens, yéménites, libyens, tous les peuples de cette région du monde qui tente de réinventer une démocratie indispensable à l’avenir de l’humanité toute entière. C’est sans doute à cela que l’on doit les avancées palestiniennes récentes vers l’union et la reconnaissance internationale de leur droit légitime à fonder un Etat.
En concluant l’assaut contre Ben Laden le chef du commando américain a eu ce cri : « Geronimo is out » ! Le contre sens historique était voulu mais il est scandaleux : assimiler le fondateur d’une organisation terroriste à l’un des chefs de la résistance amérindienne à la colonisation sauvage de l’Amérique du Nord rappelle une triste réalité lourde de sens : les USA se sont construits sur le génocide d’un peuple, sur l’esclavage d’un autre et sur la guerre civile la plus meurtrière de l’histoire. Quand le peuple américain va-t-il revisiter et critiquer sa propre histoire afin d’en tirer une leçon simple : la justice est affaire de civilisation et celui qui prétend la rendre doit montrer l’exemple à l’autre et non se mettre à son niveau.

 

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