jeudi 5 avril 2012

Une histoire française

La folie meurtrière de M. Merah donne lieu à des déclarations et des décisions exclusivement répressives qui omettent délibérément d’affronter une question essentielle : nous avons à faire à une histoire française, qui se déroule sur notre territoire, met en présence des français et nécessite par conséquent que l’on s’interroge sérieusement sur l’état de notre société. Notre communauté nationale choquée souhaite comprendre avant de jeter des anathèmes ou de faire des amalgames.
Rien ne justifie un tel acte : ni les horreurs commises sur les enfants palestiniens, ni la présence de nos troupes en Afghanistan, encore moins la référence obscurantiste à la guerre sainte et au choc des civilisations. L’islam n’est pas plus responsable du geste ignoble du jeune toulousain que le christianisme ne l’est du massacre perpétré par ce norvégien qui lui aussi prétendait défendre « sa » religion.
Va-t-on cesser de chercher des boucs émissaires et regarder la réalité en face : la jeunesse issue des migrations récentes est née et a grandi dans les quartiers et les banlieues de nos grandes villes qui sont en proie à un appauvrissement généralisé. Elle est en voie de désintégration pour reprendre le titre du documentaire que le cinéaste Philippe Faucon vient de leur consacrer. Les travaux de Gilles Kepel sur « les banlieues de l’islam » montrent bien pourquoi ces jeunes sont à la recherche de repères : dans ces cités 1 jeune sur 2 est en échec scolaire, le chômage l’attend et la délinquance le guette. Pour tous c’est le temps du mépris, de la stigmatisation, des discriminations économiques, sociales et culturelles, même quand ils sont parvenus à suivre une scolarité normale.
Comment s’étonner que dans ce contexte de précarisation sociale, de fragilisation identitaire et psychologique, certains perdent pied et soient sensibles au discours fondamentaliste qui s’appuie sur le fait que la France, leur pays, ne les reconnait pas et les exclus du champ de la devise républicaine d’égalité de liberté et de fraternité.
Les discours xénophobes de N. Sarkozy, C. Guéant ou M. Le Pen sont dangereux et portent une lourde responsabilité dans le climat malsain qui s’est instauré dans la campagne présidentielle que les français jugent sévèrement parce qu’elle ne traite pas de leurs problèmes.
Il devient urgent de faire de la question sociale et singulièrement de l’avenir de la jeunesse une priorité du débat électoral. L’immense majorité des jeunes des cités sont totalement étrangers à la psychose sécuritaire ou antiterroriste qui nous envahit. Ils aspirent à une vraie formation, à un emploi durable et intéressant avec un salaire correct, ils rêvent comme tout un chacun, de sport et de culture, d’amour et de voyages. Renouer les liens de solidarité avec ces jeunes quelques soient leurs origines ou leurs références confessionnelles, mener avec eux des luttes pour mieux vivre ensemble, sont les conditions pour créer de l’espoir et ouvrir une perspective de changement.
La dynamique que connait actuellement le Front de Gauche, les attentes qu’il suscite, doit l’inciter à mieux se tourner vers ces populations en déshérences comme il a su le faire avec les salariés.

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