mardi 2 octobre 2012

Camus, le révélateur

L’exposition Camus, prévue dans la cadre de Marseille-Provence 2013, agit comme un révélateur des débats politiques qui ont lieu depuis déjà longtemps à propos de la capitale culturelle européenne.
Sur l’exposition elle-même, j’ai dit ma condamnation de la manœuvre politique qui a conduit à l’éviction de Benjamin Stora. Elle avait clairement deux objectifs : évacuer le débat de fond à la vieille des célébrations du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Va-t-on enfin dans notre pays faire le deuil de cette « sale guerre » et réaffirmer notre solidarité avec le peuple algérien. Celui d’hier comme celui d’aujourd’hui.
Elle avait aussi l’ambition de faire de Camus, au risque de le trahir une figure de la pensée conservatrice. C’est un scandale qui relève de l’escroquerie intellectuelle. Il faut dire que M. Onfray est expert en la matière. Albert Camus est un acteur majeur du 20e siècle, un immense écrivain, une conscience universelle, qui a porté très loin une pensée, certes complexe et parfois contradictoire, mais toujours profondément humaniste. (« Le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu’on fait contre le destin qui nous est imposé »). Il a éclairé, dans des débats parfois titanesques, son camp, notre camp, celui de l’émancipation humaine. (« Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté alors il échoue à tout) ».
Mais poussons plus loin la réflexion : Nous savions déjà que MP 2013 est confronté à une question forte : la culture n’est-elle que le prétexte à une vaste opération de valorisation économique, de requalification urbaine au profit des classes aisées, de réécriture de l’histoire populaire de Marseille afin de l’aligner sur ces capitales européennes vitrines de la mondialisation libérale ?
Le combat est rude contre cette orientation mais il faut le mener  pour sauver la culture du mercantilisme et sauvegarder son caractère libre, critique et humaniste.
Mais l’épisode Camus montre qu’il est indispensable également d’être d’une vigilance extrême vis-à-vis des forces, parfois occultes, qui agissent pour pousser les feux de l’obscurantisme, de la régression intellectuelle et parfois même de la révision historique.
Je voudrais conclure sur une question qui me taraude depuis plusieurs mois : qui gouverne MP 2013 ? Les féodalités locales, les proches des créateurs, les lobbys de toutes sortes, ou bien le Conseil d’administration de MP 2013 composé de l’Etat et des collectivités territoriales et par délégation l’équipe de direction ?
Que font-ils, que disent-ils, y a-t-il un pilote dans l’avion et surtout y a-t-il encore un projet culturel clair ?
Croiser les créations d’ici avec celles venues d’ailleurs, en faire une grande manifestation populaire permettant à tous de s’approprier les formes les plus exigeantes de l’art, établir une passerelle entre les rives de la méditerranée notre espace commun telles étaient les ambitions initiales. Sont-elles encore d’actualité ?
« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde » disait Camus. De quoi désormais MP 2013 est-elle le nom ?

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