jeudi 17 janvier 2013

Contre la culture du capital

Vive la culture en capitale.
Etre une année durant, capitale européenne de la culture, est pour Marseille-Provence une formidable opportunité par ces temps troublés où se conjuguent régressions sociales, obscurantisme et perte du sens même de la civilisation humaine.
C’est un grand défi tant du point de vue culturel que pour l’avenir de Marseille et de sa région.
Nous savons tous les dangers qui planent sur la culture : à l’heure où la puissance publique, hier avec Sarkozy, aujourd’hui avec Hollande, se désengage, elle subit des assauts multiples : certains veulent la soumettre à la seule aune de leur capacité à générer des profits. Les débats qui se déroulent chaque année au Forum d’Avignon, ce Davos de la culture où l’on rêve de marchandiser notre imaginaire, les attaques récentes contre les politiques publiques françaises en faveur du cinéma ou du spectacle vivant, la concurrence acharnée entre prédateurs des médias et du numérique en sont quelques illustrations.
Contre la culture du capital les salariés de Virgin ont raison de dire : « la culture pas la fermeture ».
D’autres ne voient dans la culture qu’un danger pour leur pouvoir (Poutine et les Pussyriot pour ne prendre que cet exemple), qu’un outil de soumission aux dogmes libéraux, néoconservateurs et fondamentalistes qui se marient fort bien par « ces temps déraisonnables où l’on avait mis les morts à table » pour parler comme Aragon.
Mais la culture est, par définition, critique, résistante, émancipatrice face à tous les pouvoirs et à toutes les idées établies. Sinon elle n’existe pas ou comme le dit René Char « ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience ». En réalité la culture est la condition de la politique, c'est-à-dire de la démocratie, de la libre confrontation des idées, des symboles, de la définition du sens même du destin humain.
Etre capitale européenne de la culture c’est pour Marseille-Provence prendre sa part, de cette « pensée–relation » que vantait Edouard Glissant afin de construire ce qu’il appelait une «mondialité » du dialogue et de la reconnaissance de l’autre, de l’appropriation et du partage des cultures des savoirs et des imaginaires.
La cité phocéenne et ses voisines provençales seront-elles à la hauteur de cette ambition ? Le dialogue entre les rives de notre méditerranée commune aura-t-il lieu malgré le couac de la disparition de l’exposition Camus ? Car c’est sans aucun doute parce que Marseille est une ville d’échanges et de brassages qu’elle a été choisie. Les grands équipements culturels construits et leur programmation sauront-ils répondre aux immenses attentes de nos populations en quête de nouveaux repères et de nouveaux espoirs ? L’appropriation populaire des manifestations artistiques prévues franchira-t-elle les obstacles dressés à la réussite des quartiers créatifs ou des ateliers euro-méditerranéens ?
Le pire, durant cette année, serait d’avoir l’œil rivé sur les chiffres du tourisme ou sur les retombées économiques comme si la capitale européenne n’était qu’un outil de requalification urbaine et de revalorisation de l’image de la ville.
Les attentes populaires sont immenses mais elles sont autres : elles espèrent  faire de cette année capitale le vecteur d’une renaissance culturelle mais aussi sociale de Marseille et de la Provence. C’est à cela que l’on mesurera l’échec ou la réussite de cette belle entreprise.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire