mardi 16 avril 2013

Marseille : zone barbare ou ville en crise

La mobilisation des femmes des quartiers Nord face aux règlements de compte peut imposer un débat qui aide à mieux comprendre les causes de la situation et les solutions.
La lutte contre le crime organisé est indispensable mais tout démontre son inefficacité à long terme si cela ne s’accompagne pas d’une politique globale qui touche à tous les aspects de la vie de la cité phocéenne.
En premier lieu la situation dramatique des cités populaires marseillaises. 1 jeune sur 2 est en décrochage scolaire, le taux de chômage dépasse souvent 50 % de la population, 1 marseillais sur 4 vit au-dessous du seuil de pauvreté et sur 100 cités « sensibles » répertoriées à l’échelle nationale 23 sont situées à Marseille, avec un nombre considérable de « familles monoparentale » où la mère assume seule les responsabilités.
Depuis plus d’une trentaine d’années beaucoup s’interrogent sur l’absence à Marseille de « révolte des banlieues ». Il ne suffit pas d’expliquer qu’ici la banlieue est dans la ville, qu’il s’agit de quartiers au fort tissu associatif et que la cohésion sociale y est garantie par une identification à la ville et à l’OM. Cette analyse est incomplète car elle fait l’impasse sur un fait majeur : la désindustrialisation de la ville, la coupure Nord/Sud et la paupérisation du Nord, entamées dès les années 50/60 sous Gaston Defferre, a provoqué une économie parallèle fondée sur la drogue. Elle a imposé sa « paix sociale » et favorisé un clientélisme politique et des pratiques mafieuses.
L’Etat et les collectivités ont longtemps fermé les yeux par intérêt électoral et par manque de volonté politique dans une ville gangrénée par les affaires et une forte corruption.
Aujourd’hui le Ministre Valls comme le Maire chantent en chœur l’air de la tolérance zéro. Mais depuis des décennies l’Etat n’a pas trouvé les moyens de connaître et de démanteler les réseaux mafieux d’achat et de vente de la drogue à l’échelle internationale comme à Marseille et n’a rien fait contre le blanchiment de l’argent de la drogue qui a lieu pourtant ailleurs que dans les cités.
A qui fera-t-on croire que l’on va résoudre le problème en fermant l’accès aux cités avec des opérations coup de poing et des effectifs de polices qui ne s’inscrivent ni dans la proximité ni dans la permanence ?
Il n’y a pas de solutions exclusivement sécuritaires à l’instauration du « vivre ensemble ».
Le Premier Ministre vient d’annoncer 30 milliards d’investissement de l’Etat pour le Grand Paris. Fort bien. Mais rien pour Marseille où l’on impose une forme de métropole technocratique et autoritaire qui va figer les fractures sociales et territoriales.
Marseille, ville non pas pauvre mais profondément inégalitaire, n’a pas le monopole des effets criminogènes de la crise : l’attaque du RER D en région parisienne est là pour le montrer. Cela devrait inciter à sortir de la galéjade anti-Marseille comme de l’exagération. La «Barbarie » a un sens historique autrement plus terrible, qui ne s’applique pas à une ville où la solidarité a encore du sens.
Il suffit de se poser une question : Et si Marseille anticipait une situation qui touche la société française dans son ensemble ?

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