lundi 27 mai 2013

« L’exception culturelle n’est pas négociable ».

Le titre de la pétition nationale lancée par les réalisateurs de cinéma quelques semaines avant l’ouverture de ce grand rendez-vous de la création cinématographique qu’est le Festival de Cannes montre l’enjeu de la question.
J.M. Barroso, a déclaré lors de l’inauguration de Marseille-Provence 2013 que « la culture est la réponse à la crise ». Or un mois plus tard il annonce un nouveau cycle de négociation transatlantique sur la création d’une zone de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis et le mandat de négociation, élaboré par la commission, n’exclut plus le cinéma, l’audiovisuel et l’Internet. Il s’agit d’accéder aux exigences de l’administration américaine qui n’a jamais vraiment admis la dérogation accordée à la culture dans les accords  du GATS il y a 20 ans. Il faut dire que l’industrie du « divertissement » (c’est ainsi que l’on nomme la culture aux USA) est la 2e industrie exportatrice américaine.
Dans le cinéma, les séries télé et la musique, les Etats-Unis veulent imposer leurs «contenus culturels» produits par leurs majors compagnies et autres géants de l’Internet dans le monde entier. C’est une atteinte frontale au principe de la diversité culturelle adoptée en 2005 par l’UNESCO. Elle peut s’avérer mortelle pour les politiques publiques de soutien à l’art et à la culture qui dans beaucoup de pays européens, dont la France, règlementent l’industrie culturelle et permettent ainsi l’existence d’une création indépendante de qualité dans des domaines aussi divers que le cinéma et l’audiovisuel, la musique ou le livre. Certes il faut adapter l’exception culturelle au numérique mais je ne suis pas sûr que le rapport Lescure se donne les moyens de son ambition affichée d’ouvrir l’acte II de l’exception culturelle. La révolution numérique est une révolution anthropologique qui doit nous amener à réaffirmer que la culture n’est pas une marchandise. C’est un vecteur d’émancipation humaine, de transformation sociale, un bien commun de l’humanité.
Vouloir concurrencer les américains sur leur terrain, celui du libéralisme sauvage, revient à rendre les armes sur cette conception et à réduire la culture à un divertissement rentable, un jeu où à la fin de la partie c’est toujours Universal, Google ou Amazon qui gagnent.
Notre Ministre de la culture, le Président de la République clament désormais que l’exception culturelle n’est pas négociable. Fort bien. Je ne peux m’empêcher de penser qu’ils se sont bien mal préparés à ce combat : budget du ministère en baisse, asphyxie des collections locales qui sont aujourd’hui la principale source de financement public de la culture, future négociation sur l’intermittence avec le MEDEF plombée par l’ANI, loi d’orientation promise sur la création qui se perd dans les méandres de l’austérité : notre service public de la culture est bien malade.
« La culture se porte bien à condition qu’on la sauve » a l’habitude de dire Jack Ralite et par ces temps troublés où la crise est d’abord une crise du sens même de nos sociétés, la culture est plus que jamais indispensable à la construction d’une alternative aux « eaux glacées du calcul égoïste ».

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