vendredi 7 juin 2013

Un printemps français ?

La radicalisation et la perdurance du mouvement contre la loi sur le mariage pour tous donnent lieu à diverses interprétations dont certaines avancent l’idée de l’irruption d’un printemps français prenant à revers mai 68. Ils n’hésitent pas à affirmer que sa force interdit désormais au gouvernement d’aller plus loin dans les réformes de société sous prétexte que la loi ouvrant le mariage à deux personnes de même sexe aurait mis en cause quelque chose d’essentiel dans l’identité ou plutôt dans l’essence même de la nature humaine.
Essayons d’y voir clair dans ce fatras idéologique. En premier lieu répétons qu’il n’y a pas d’essence humaine et que l’humanité a toujours été dépendante de ces conditions sociales et idéologiques d’existence.
« L’histoire toute entière n’est qu’une transformation de la nature humaine » écrivait Marx. Ainsi l’institution du mariage n’apparaît en Occident qu’en l’an mille et le modèle biologique que l’on présente aujourd’hui comme a-historique, n’est que la codification imposée au 19e siècle par une bourgeoisie soucieuse de moraliser, avec l’aide de l’église, des classes populaires déstructurées par les révolutions industrielles et urbaines et l’établissement d’un nouvel ordre social inégalitaire.
Il n’est nul besoin d’être grand sociologue pour comprendre que la fin du patriarcat, l’émancipation féminine, l’autonomie conquise par chaque individu jusqu’à son orientation sexuelle, les progrès scientifiques transformant la procréation et de la filiation, bouleversent les formes de la vie en couple et l’institution du mariage.
Ce prétendu printemps français n’est que l’expression d’une crispation d’une partie de la population (rappelons néanmoins que la majorité des français est acquise à l’idée du mariage pour tous). Les idéologies conservatrices sont en fait bousculées par les évolutions émancipatrices qu’elles refusent parfois violement. Cela rejoint la radicalisation de la droite française qui s’affirme de jour en jour. Cela se traduit aussi par la progression électorale du FN dont l’influence idéologique s’étend à l’électorat de droite et, phénomène inquiétant, trouve parfois un écho à gauche.
La présence massive de l’appareil dirigeant de l’UMP dans ces manifestations au côté d’élus du FN montre que la construction d’un « Front des droites » progresse même si pour le moment ils en sont à marcher côte à côte et à frapper ensemble.
Il n’y a pas de printemps français ou bien il est à l’image de ce printemps : glacial comme un hiver. Celui d’un Occident, blanc, chrétien, traditionnaliste et conservateur, terrorisé par la fin de sa domination sur le monde désormais polycentrique et culturellement divers.
Ne nous y trompons pas : ce qui grandit en Europe et dans le monde ce n’est pas le repli sur soi, c’est l’aspiration à la liberté et l’égalité, à la solidarité et la citoyenneté. Les peuples, singulièrement les jeunes, rejettent ce monde vermoulu par l’inégalité et la précarité, la violence et la haine de l’autre, la dégradation de la planète.
C’est pourquoi, il est indispensable de mener le combat en faveur des valeurs progressistes, celles qui doivent guider aujourd’hui et demain notre vivre ensemble et notre façon de « faire société ».

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