mardi 8 octobre 2013

Les voleurs de dimanche

Tout est bon au patronat pour procéder à « l’extension du domaine de la marchandise » (Régis Debray). Dérogation après dérogation accordée par les Préfets 1/3 des français sacrifient leur dimanche et parfois une partie de leur nuit pour compléter des salaires notoirement insuffisants ou pour compenser l’absence d’allocation d’études.

Aux médias majoritairement mobilisés contre ces syndicats « archaïques » qui ne défendent plus l’emploi et l’intérêt des salariés, je voudrais dire qu’ils se font les porte-paroles d’une très mauvaise cause.

Qui décide en effet de la modernité en matière de mode de vie ? Ceux qui définissent la société comme un immense marché où des individus prétendument libres de leur choix passeraient leur temps à sacrifier à un consumérisme uniformisé et formaté par une publicité aliénante et un marketing uniquement soucieux de vendre ? Qu’importe le contenu du produit pourvu qu’on ait l’ivresse de son acquisition. Qu’importe la mal bouffe, les risques sanitaires, l’utilité de tel ou tel objet, il faut vendre !

On nous dit que l’emploi et le salaire sont à ce prix et que les « clients » veulent pouvoir acheter quand, et là où ils veulent, que les employés sont libres de travailler le dimanche ou la nuit, libres de travailler plus pour gagner plus.

Vous avez dit modernité ? Mais ce discours a toujours été celui des dominants.  C’est en son nom que les enfants descendaient au fond des mines, que le repos hebdomadaire était refusé, que les travailleurs étaient exploités jusqu’à l’épuisement et la mort.

C’est à cela que nos gouvernants, prêt à céder à cette offensive ultralibérale, voudraient que l’on revienne ? Travailler n’importe quand,  dimanche et nuit compris pour développer les profits et non l’emploi. Car tout prouve que l’on détruit d’autres emplois, ceux des commerces de proximité. Et quel emploi ? Celui qui fait rentrer l’employée du Monoprix de Paris vers sa lointaine banlieue à 22 h au risque de sa sécurité pour retrouver ses enfants qu’elle élève souvent seule ?  Celui de l’étudiant qui travaille toute la semaine pour avoir un diplôme et qui ne peut même pas se reposer où voir ses amis en fin de semaine ? Rien ne prouve non plus que l’on améliore le pouvoir d’achat sinon celui d’une minorité mais à quel prix !

Le dimanche (et le samedi soir qui en fait partie) n’a rien de sacré depuis fort longtemps. Il est un moment exceptionnel, celui qui permet, le même jour, aux membres d’une famille, d’un réseau d’amis, de partager un temps commun, un repas, une rencontre ou bien encore un film, une expo, un spectacle. « Dans le mot de dimanche il reste quelque chose qui n’est pas aspiré par le rendement et la rentabilité une aspiration à la beauté et à la gratuité » (Michel Crépu). « Une invitation à la fraternité » (François Morel).

Fraternité : un mot qui ne fait pas partie du vocabulaire de ceux qui ne rêvent que de faire pencher l’équation « coût du travail/profit du capital » vers ce dernier. Un capital dont les médias se posent rarement la question de son coût : les gâchis sociaux et humains qu’ils provoquent. Des médias à qui je conseille de se poser une question simple : Quelle humanité voulons-nous être ?

 

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