jeudi 3 octobre 2013

Mon 11 septembre


 

Le 11 septembre 1973, 3 ans après l’élection du gouvernement de l’Unité populaire conduit par Salvador Allende, la Maison Blanche donne son feu vert au coup d’état des généraux menés par le sinistre Pinochet. Le monde assiste, tétanisé, à l’instauration d’une dictature sanglante au Chili : des dizaines de milliers de morts et de « disparus », la torture généralisée, des stades transformés en camp de concentration, la douleur de l’exil pour ceux qui ont réussi à échapper à ce terrorisme d’Etat.

Mes souvenirs sont douloureux : Allende mourant debout à la Moneda en tenant tête aux soldats de Pinochet, le guitariste chanteur Victor Jarra aux doigts tranchés à la hache et Pablo Neruda l’immense poète, le communiste, l’Ambassadeur en France de la révolution chilienne qui s’éteint quelques jours plus tard, accablé par tant de haine et de violence.

Le rêve se brise et s’ouvre la longue nuit de la mise à bas de toutes les conquêtes sociales et démocratiques que le gouvernement Allende a impulsé : la réforme agraire au profit des petits paysans, les mesures sociales en faveur des classes populaires, le contrôle des travailleurs dans les entreprises, la nationalisation des banques, du charbon et du cuivre.

C’est d’ailleurs l’expropriation des deux compagnies américaines qui contrôlent le cuivre, principale richesse du pays, qui va déchainer les foudres de l’oncle Sam et le décider à organiser, via la CIA, le coup d’état et ses suites. Le Chili devient alors le terrain d’expérimentation des « Chicago boys », ces économistes fous, ayatollahs de l’ultra libéralisme, qui vont mettre en coupe réglée le pays.

40 ans plus tard que constatons-nous ? La constitution Pinochet est toujours en vigueur, les privatisations font des ravages partout, y compris dans les domaines de l’éducation et de la santé réservés à une minorité qui monopolise les richesses. La Concertation (coalition de centre gauche dominée par les socialistes, au pouvoir de 1990 à 2010) qui prétendait assurer une transition démocratique n’a en réalité pas sorti le pays de l’héritage des années de plomb. Heureusement l’espoir est toujours là, réveillé par les luttes estudiantines et syndicales depuis 2011.

La douloureuse expérience chilienne reste pourtant essentielle. Elle a nourri et anticipé les évolutions anti impérialistes et anti libérales d'un certain nombre de pays d’Amérique latine qui empruntent des voies originales auxquelles nous devons être attentifs et apporter une solidarité active.

Au contraire de ceux qui, aujourd’hui à gauche, couvrent Allende d’éloge posthume alors qu’ils mettent en œuvre ou soutiennent des politiques libérales aux antipodes de ce qu’il fut, de ce à quoi il travaillait, je reste fidèle au rêve d’Allende.

Le Chili a été mon Espagne à moi, une plaie ouverte jamais refermée qui m’a conforté dans mes choix de jeunesse.

Comme l’a si joliment écrit Pablo Neruda « nos ennemis peuvent couper toutes les fleurs, ils ne seront jamais maître du printemps ».

 

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