Le 11 septembre 1973, 3 ans après l’élection du
gouvernement de l’Unité populaire conduit par Salvador Allende, la Maison
Blanche donne son feu vert au coup d’état des généraux menés par le sinistre
Pinochet. Le monde assiste, tétanisé, à l’instauration d’une dictature
sanglante au Chili : des dizaines de milliers de morts et de
« disparus », la torture généralisée, des stades transformés en camp
de concentration, la douleur de l’exil pour ceux qui ont réussi à échapper à ce
terrorisme d’Etat.
Mes souvenirs sont douloureux : Allende mourant
debout à la Moneda en tenant tête aux soldats de Pinochet, le guitariste
chanteur Victor Jarra aux doigts tranchés à la hache et Pablo Neruda l’immense
poète, le communiste, l’Ambassadeur en France de la révolution chilienne qui
s’éteint quelques jours plus tard, accablé par tant de haine et de violence.
Le rêve se brise et s’ouvre la longue nuit de la mise
à bas de toutes les conquêtes sociales et démocratiques que le gouvernement
Allende a impulsé : la réforme agraire au profit des petits paysans, les
mesures sociales en faveur des classes populaires, le contrôle des travailleurs
dans les entreprises, la nationalisation des banques, du charbon et du cuivre.
C’est d’ailleurs l’expropriation des deux compagnies
américaines qui contrôlent le cuivre, principale richesse du pays, qui va
déchainer les foudres de l’oncle Sam et le décider à organiser, via la CIA, le
coup d’état et ses suites. Le Chili devient alors le terrain d’expérimentation
des « Chicago boys », ces économistes fous, ayatollahs de l’ultra
libéralisme, qui vont mettre en coupe réglée le pays.
40 ans plus tard que constatons-nous ? La
constitution Pinochet est toujours en vigueur, les privatisations font des
ravages partout, y compris dans les domaines de l’éducation et de la santé
réservés à une minorité qui monopolise les richesses. La Concertation
(coalition de centre gauche dominée par les socialistes, au pouvoir de 1990 à
2010) qui prétendait assurer une transition démocratique n’a en réalité pas
sorti le pays de l’héritage des années de plomb. Heureusement l’espoir est
toujours là, réveillé par les luttes estudiantines et syndicales depuis 2011.
La douloureuse expérience chilienne reste pourtant
essentielle. Elle a nourri et anticipé les évolutions anti impérialistes et
anti libérales d'un certain nombre de pays d’Amérique latine qui empruntent des
voies originales auxquelles nous devons être attentifs et apporter une
solidarité active.
Au contraire de ceux qui, aujourd’hui à gauche,
couvrent Allende d’éloge posthume alors qu’ils mettent en œuvre ou soutiennent
des politiques libérales aux antipodes de ce qu’il fut, de ce à quoi il
travaillait, je reste fidèle au rêve d’Allende.
Le Chili a été mon Espagne à moi, une plaie ouverte
jamais refermée qui m’a conforté dans mes choix de jeunesse.
Comme l’a si joliment écrit Pablo Neruda « nos
ennemis peuvent couper toutes les fleurs, ils ne seront jamais maître du
printemps ».
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