jeudi 3 octobre 2013

Vous avez dit laïcité ?


 

Dans les débats acharnés sur la laïcité, le livre publié par Pierre Dharréville * est à marquer d’une pierre blanche et je ne saurai trop en conseiller la lecture.

La laïcité n’est pas un dogme figé dans le marbre : comme tout principe universel la laïcité est une construction historique, le produit des conquêtes révolutionnaires et des luttes émancipatrices.

Elle tire ses fondements de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 par laquelle la Révolution française opère un véritable renversement en substituant à la sujétion à Dieu et au Roi l’exercice des droits de l’homme et du citoyen comme principe d’organisation de la société et de l’Etat.

Mais comme rien n’est simple, même cette avancée extraordinaire est entachée d’un vice d’origine : l’absence des droits de la femme, pourtant revendiqués dès la Révolution par Olympe de Gouges.

Il faut attendre un demi-siècle pour fonder la République, 35 ans après sa naissance voir la loi 1905 adoptée et 40 ans plus tard le droit de vote accordé aux femmes !

Le mérite du livre de P. Dharréville est précisément de rappeler cette évidence : si le combat contre le pouvoir religieux qui a longtemps voulu imposer ses normes à l’Etat est un des fondements de la laïcité il n’est pas le seul, et celle-ci ne peut être réduite à la relation entre l’Etat et les religions.

La loi de 1905 garantit la liberté de conscience, toutes les libertés de pensée et d’opinions quelles qu’elles soient, en même temps qu’elle affirme une stricte séparation de l’Etat et des églises.

Mais la laïcité n’est ni une idéologie anti religieuse, ni une doctrine d’Etat comme l’était le marxisme-léninisme dans l’ex URSS.

Lutter contre tous les intégrismes, contre toutes les exigences fondamentalistes d’imposer à une société leurs canons est une impérieuse nécessité. Mais il faut le faire au nom d’une laïcité universelle qui garantit liberté de conscience, égalité de droit et respect de l’autre dans le vivre ensemble. Il est proprement incroyable que nous ne combattions pas suffisamment, la prétention de M. Le Pen de se réclamer de la laïcité pour exclure une partie de la population au nom de leur religion, l’Islam. Comme si au passage les tentatives récentes de faire prévaloir la vision chrétienne du mariage était compatible avec la définition que je viens de donner de la laïcité.

Mais P. Dharréville va plus loin. Citant Jaurès il réaffirme que la laïcité c’est la démocratie et la démocratie l’égalité des droits et le pouvoir du peuple.

C’est pourquoi une laïcité de notre temps doit nous amener à opérer des transformations radicales afin d’en finir avec l’idéologie dominante qui fonctionne comme une religion : celle du marché et des oligarchies financières qui écrasent tout afin de construire une 6e République où la citoyenneté s’exerce du local au global, de l’entreprise à la cité.

Cela suppose de déplacer le terrain du combat laïque, du prétendu choc de civilisation, de l’affrontement identitaire et communautariste vers un combat de classe émancipateur autour des 3 valeurs fondamentales de notre République : liberté, égalité, fraternité.

 

*« La laïcité n’est pas ce que vous croyez » coédité par les éditions de l’Atelier et la Marseillaise – 2013.

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