Dans les
débats acharnés sur la laïcité, le livre publié par Pierre Dharréville * est à
marquer d’une pierre blanche et je ne saurai trop en conseiller la lecture.
La laïcité
n’est pas un dogme figé dans le marbre : comme tout principe universel la
laïcité est une construction historique, le produit des conquêtes
révolutionnaires et des luttes émancipatrices.
Elle tire
ses fondements de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août
1789 par laquelle la Révolution française opère un véritable renversement en
substituant à la sujétion à Dieu et au Roi l’exercice des droits de l’homme et
du citoyen comme principe d’organisation de la société et de l’Etat.
Mais comme
rien n’est simple, même cette avancée extraordinaire est entachée d’un vice
d’origine : l’absence des droits de la femme, pourtant revendiqués dès la
Révolution par Olympe de Gouges.
Il faut
attendre un demi-siècle pour fonder la République, 35 ans après sa naissance
voir la loi 1905 adoptée et 40 ans plus tard le droit de vote accordé aux
femmes !
Le mérite du
livre de P. Dharréville est précisément de rappeler cette évidence : si le
combat contre le pouvoir religieux qui a longtemps voulu imposer ses normes à
l’Etat est un des fondements de la laïcité il n’est pas le seul, et celle-ci ne
peut être réduite à la relation entre l’Etat et les religions.
La loi de
1905 garantit la liberté de conscience, toutes les libertés de pensée et
d’opinions quelles qu’elles soient, en même temps qu’elle affirme une stricte
séparation de l’Etat et des églises.
Mais la
laïcité n’est ni une idéologie anti religieuse, ni une doctrine d’Etat comme
l’était le marxisme-léninisme dans l’ex URSS.
Lutter
contre tous les intégrismes, contre toutes les exigences fondamentalistes d’imposer
à une société leurs canons est une impérieuse nécessité. Mais il faut le faire
au nom d’une laïcité universelle qui garantit liberté de conscience, égalité de
droit et respect de l’autre dans le vivre ensemble. Il est proprement
incroyable que nous ne combattions pas suffisamment, la prétention de M. Le Pen
de se réclamer de la laïcité pour exclure une partie de la population au nom de
leur religion, l’Islam. Comme si au passage les tentatives récentes de faire
prévaloir la vision chrétienne du mariage était compatible avec la définition
que je viens de donner de la laïcité.
Mais P.
Dharréville va plus loin. Citant Jaurès il réaffirme que la laïcité c’est la
démocratie et la démocratie l’égalité des droits et le pouvoir du peuple.
C’est
pourquoi une laïcité de notre temps doit nous amener à opérer des
transformations radicales afin d’en finir avec l’idéologie dominante qui
fonctionne comme une religion : celle du marché et des oligarchies
financières qui écrasent tout afin de construire une 6e République
où la citoyenneté s’exerce du local au global, de l’entreprise à la cité.
Cela suppose
de déplacer le terrain du combat laïque, du prétendu choc de civilisation, de
l’affrontement identitaire et communautariste vers un combat de classe
émancipateur autour des 3 valeurs fondamentales de notre République :
liberté, égalité, fraternité.
*« La
laïcité n’est pas ce que vous croyez » coédité par les éditions de
l’Atelier et la Marseillaise – 2013.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire