mardi 3 décembre 2013

Clémenceau contre Jaurès

L’autre matin Manuel Valls, invité de la rédaction de France inter, s’est une fois de plus réclamé de Clémenceau pour justifier son action politique et celle du gouvernement.

Tout cela est trop répétitif pour être innocent et comme nous sommes à quelques mois de l’anniversaire de l’assassinat de Jaurès en juillet 2014 il est nécessaire de rappeler quelques vérités historiques. Elles seront utiles à la compréhension de ce qui se joue à gauche par les temps difficiles qu’elle traverse.

Jaurès et Clémenceau, après avoir combattu ensemble pour la République se sont violemment opposés. Pour dire les choses simplement Jaurès est resté fidèle aux idéaux de la gauche, militant entre autres pour la paix, pour une réforme juste de l’impôt et pour la défense des revendications ouvrières, alors que Clémenceau va devenir le champion d’une droite revancharde, colonialiste et ferme soutien du patronat.

«Premier flic de France», Clémenceau au nom de l’ordre républicain, a violemment réprimé les grèves ouvrières dans le Nord et en région parisienne. Président du conseil durant la guerre 14.18 il envoya à la boucherie des millions de travailleurs français et « indigènes » combattre les travailleurs allemands.

Affublé du titre de « Père la victoire » après- guerre, il dirigea le gouvernement soutenu par une chambre «Bleue horizon» où la droite régnait sans partage, il présida aux négociations du traité de Versailles qui redécoupa l’Europe et le monde contre l’intérêt des peuples et vola au secours des armées blanches en Russie en 1919.

Belle référence pour un ministre qui prétend être de gauche malgré ses propos réactionnaires sur les Roms. Et qui ne cesse de nous faire le coup de l’ordre républicain : l’ordre n’est de gauche disait Jaurès que s’il s’appuie sur la justice, l’égalité des droits et la défense de l’intérêt général. Sinon c’est la défense de l’ordre établi.

En réalité, Jaurès fait partie du Panthéon de la gauche et Clémenceau est en bonne place dans celui de la droite.

Manuel Valls met ses pas dans ceux de N. Sarkozy qui citait à tout bout de champ des personnalités de gauche (Gramsci, Guy Môquet et même Jaurès) A croire que Valls tente comme lui de brouiller les cartes et de faire sauter le clivage gauche-droite. Mais nous ne sommes pas dupes : il s’agit aussi pour  Valls et les socialistes qui ont rallié les thèses libérales de se fabriquer de nouvelles références historiques et théoriques justifiant une politique aux antipodes de celle pour laquelle lui et les siens ont été élus. Tout se passe comme si nous étions en train d’assister dans la discrétion la plus totale à une sorte de Congrès de Bad Godesberg à la française. Ce congrès du SPD allemand qui en 1959 abandonna la référence au marxisme et à la lutte de classe créant ainsi les conditions d’une grande coalition entre la très réactionnaire CDU et le SPD, qui vient encore de se mettre en place alors que les électeurs allemands ont donné la majorité du Bundestag à la gauche (SPD, Verts, Die Linke).  François Hollande a applaudi à la formation de ce gouvernement. Tel Clémenceau à la tête de la chambre Bleue horizon, Il en rêve sans doute pour la France.

Mais 2014 sera l’année Jaurès. Pas celle de Clémenceau.

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