vendredi 23 mai 2014

DES MUNICIPALES AU FRONT DE GAUCHE

Les résultats des élections municipales constituent un véritable tournant historique. La gauche y a subi une de ses pires déroutes électorales et la droite en profite pour reconquérir le terrain local avec la complicité de l’extrême droite qui confirme son inscription durable dans le paysage politique. L’abstention enfin exprime un double rejet de l’austérité et du système politique.
Aucun des trois courants de la gauche française n’a échappé à la sanction même si le PS subit un Waterloo électoral qui en annonce d’autres à venir. Le Front de gauche et les Verts limitent les dégâts. Mais chacun de ces pôles est désormais confronté à des interrogations fondamentales sur son avenir, sur son projet et sur ses alliances. La réponse de François Hollande avec la nomination de M. Valls à Matignon, de J. P. Jouvet à l’Elysée et J.M. Cambadélis à Solferino est claire : il continue dans la même voie avec des arrière-pensées de plus en plus lisibles de recomposition de sa majorité. Austérité et autorité sont désormais les deux mamelles de sa politique.
Trois tendances majeures se dégagent de ces résultats. Elles exigent de la gauche anti libérale une réflexion nouvelle et une remise en cause des évidences qui ont conduit à reproduire mécaniquement des schémas qui ne fonctionnent plus.
La 1ère tendance c’est l’ampleur de l’abstention qui renvoie non seulement au rejet de l’action gouvernementale mais à l’ensemble du champ politique et au système institutionnel qui en est la traduction. Force est d’admettre que la gauche de transformation sociale, le PCF et le Front de gauche en particulier, subit aussi les effets de ce rejet. Nous devons donc considérer que l’ambition de refonder la politique, la République et la démocratie par une révolution citoyenne n’est pas un combat second mais qu’il devient autant central que l’action sociale, si nous voulons être audible et reconstruire une nouvelle  conscience de classe. Cette ambition repose sur notre capacité à reconquérir une hégémonie culturelle fondée sur d’autres valeurs que celles qui dominent l’air du temps.
La 2ème tendance c’est la rapidité avec laquelle s’opère la recomposition entre la droite et l’extrême droite parfaitement illustrée par la porosité galopante entre les électorats UMP/FN. Elle s’appuie sur une vision commune de la société qui associe désormais les ultra-conservateurs, les néo populistes et même les libéraux. Certains faits sont éclairants : pour la première fois les triangulaires ont largement profité à la droite et même parfois au FN comme le montre son élection dans les 13e et 14e arrondissements de Marseille. Il est de plus en plus difficile de convaincre des électeurs de gauche de se mobiliser contre le FN avec le bulletin d’un PS discrédité.

L’électorat FN n’a pas hésité à voter utile en faveur de l’UMP quand l’adversaire était de gauche comme à Aubagne. L’électorat UMP lui aussi n’hésite plus comme à Hénin Beaumont ou Béziers, à voter FN qu’il assimile à un parti de droite compatible avec leurs valeurs. L’accélération de la recomposition à droite rend urgentissime une contre-offensive politique et idéologique contre le FN et plus largement contre la lepénisation des esprits.
La 3ème tendance c’est l’ampleur du rejet de la politique libérale, austéritaire et autoritaire, menée par l’exécutif socialiste. Nous en connaissons les raisons mais le Front de gauche n’apparaît toujours pas comme une alternative au social-libéralisme. C’est une question majeure qu’il faut désormais prendre à bras le corps. Je suis convaincu de la justesse de la stratégie de Front de gauche, mais je m’interroge sur ses contours et sa mise en mouvement. Le Front de gauche dans sa forme actuelle, (cartel d’organisations), dans la cohérence de son projet  (qu’oppose- t-il concrètement aux idéologies du coût du travail et de baisse de la dépense publique, ou bien encore à la dérive présidentialiste ou sur la laïcité… ?), dans l’image qu’il véhicule ( trop force d’opposition et non de propositions, trop sectaire et pas assez susceptible de rassembler au-delà de lui- même, des socialistes et des écologistes, des syndicalistes et des acteurs culturels, des féministes et des antiracistes…), bref le Front de gauche ne fait pas envie.
Notre tâche prioritaire est de l’ouvrir aux citoyen-e-s, à ce qui bouge dans le mouvement social et culturel et à toutes les composantes du peuple de gauche.  Son ambition doit être d’engager un immense chantier de politisation alternative et de reconquête des esprits et des cœurs. C’est une entreprise de longue haleine, politique, idéologique et culturelle. Il nous faut donc l’entamer maintenant.

 

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