mercredi 18 juin 2014

Brésil : « Futbol », culture et société»

Contrairement à une image largement répandue par les médias, le Brésil n’a pas toujours été une grande nation du football. Introduit par un brésilien d’origine anglaise à la fin du 19e siècle ce sport va être pendant un demi-siècle réservé aux enfants de la bourgeoisie locale au sein de clubs qui refuseront de recruter des joueurs noirs. Ceux-ci n’étaient d’ailleurs pas sélectionnables en équipe nationale. C’est dans les industries dont les ouvriers étaient noirs que ceux-ci pourront accéder à la pratique du football au sein d’une ligue qui leur était réservée. Il faut attendre 1941 pour que le gouvernement brésilien unifie les ligues existantes et nationalise ce sport devenu le plus populaire du pays. Les joueurs noirs vont pouvoir montrer leur talent et permettre à leur équipe nationale de rivaliser avec les autres nations du monde. Le « futbol » va désormais constituer l’un des ferments du reflux du racisme, de l’intégration des noirs dans la nation et même, si l’on en croit l’historiographie brésilienne, l’un des creusets de l’identité et de la culture de ce peuple profondément cosmopolite et métissé. Le Brésil va conquérir 5 coupes du monde dont la première en 1958 consacra l’avènement d’un joueur d’exception Pelé.
Au Brésil comme ailleurs le football n’a jamais été hors des rapports sociaux. Métaphore de la société, ce jeu très complet est devenu un référent universel, un exceptionnel creuset d’identification sociale, une formidable expression de cultures collectives à travers les styles de jeu de chaque joueur comme de chaque équipe, nationale ou de club.
Le « futbol-samba » brésilien, à la grande virtuosité technique, s’est longtemps imposé au football anglo-saxon plus athlétique et physique. Mais les temps ont changé et le football a progressé, tactiquement et techniquement sur tous les continents. Le Brésil de 2014 n’est pas l’équipe de rêve de 1970 mais en même temps, outil d’émancipation populaire le « Futbol » a toujours été au cœur des contradictions de la société brésilienne comme aujourd’hui où il est au centre des débats et des luttes pour le partage des richesses dans un Brésil en pleine croissance économique.
Le mondial brésilien est d’ailleurs parfaitement révélateur des contradictions générées par la mainmise du capitalisme mondialisé et financier sur le football. Celle-ci doit être combattue pour plusieurs raisons : elle conduit à uniformiser le jeu au détriment de la richesse que constitue l’extraordinaire diversité culturelle qui le caractérise. Elle ravale les joueurs au rang de mercenaires que les clubs s’achètent et se vendent à des prix qui dévalorisent leur qualité et les réduits à de simples marchandises. Elle dépossède les vrais amateurs de football, les « afficionados », de l’objet même de leur passion. Enfin et surtout elle tente d’imposer la compétitivité là où il y a de la solidarité. « Mon plus beau but c’est une passe » dit Eric Cantona dans ce film magnifique de Ken Loach « Looking for Eric ».
Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau sale du bain. Je souhaite aux amoureux du foot, dont je suis, un bon mondial et aux autres beaucoup de patience.


 

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