Après cette rentrée calamiteuse du pouvoir, Fleur
Pellerin, la nouvelle ministre de la culture, vient de prononcer une phrase
sibylline : elle ne veut « ni refaire ni défaire ce qui a été fait
depuis 2012 » et surtout « elle ne veut pas renverser la
table ». Or le bilan culturel du quinquennat Hollande à la mi-temps de son
mandat est catastrophique : La rupture annoncée avec l’ère Sarkozy n'a pas
eu lieu, pire les premiers budgets du ministère ont subi des baisses
importantes. La réforme territoriale en prévoyant de supprimer les départements
et la clause de compétence générale, en asphyxiant financièrement les
collectivités, annonce un immense processus de déculturation de nos territoires
et des populations qui y vivent.
La mise en œuvre pitoyable de la réforme des rythmes
scolaires ne permet pas d'affronter réellement la question pourtant essentielle
de l'éducation artistique dans et hors du temps scolaire. Enfin ce pouvoir,
tout au service du MEDEF a commis l'inqualifiable : il a agréé un accord
sur l'assurance chômage qui va considérablement aggraver la précarité et les
droits sociaux des artistes et des techniciens du spectacle.
Le seul enseignement que je tire de la démission
d’Aurélie Filipetti est que ce gouvernement ne peut avoir une politique
culturelle émancipatrice car sa politique n'est ni civilisatrice, ni sociale,
en un mot, elle n’est pas de gauche.
Il faut donc continuer d'agir, au côté du mouvement
artistique et culturel, contre le démantèlement du service public de la
culture, pour la défense des droits sociaux des artistes et techniciens, contre
la soumission aux géants de l'industrie culturelle américaine, Google, Amazon et Netflix… à qui Fleur Pellerin est
prête à tout accorder. Elle semble n'être que la ministre des industries
culturelles et de leur compétitivité. Agir
aussi contre toutes les formes de populisme qui consiste dans les villes
conquises par l'UMP et le FN à censurer la programmation culturelle. Sous
prétexte de lutter contre « l'élitisme » on y pratique le mépris du
peuple et la haine des artistes et de la création.
Le moment est venu de rassembler pour « sauver la
culture » mais surtout pour porter un projet de refondation des politiques
publiques de l'art et de la culture.
C'est un vaste chantier. La politique et la culture
ont une ambition commune : porter une vision du monde. La politique ne
peut se réduire à une boite à outils libérale, ni à des enjeux de pouvoir. Elles
sont toutes les deux des conditions majeures de l'exercice de la démocratie.
L’humanité vit un moment de son histoire où elle est confrontée à une crise du
sens même de son devenir. Un moment dangereux où s’entremêlent les eaux glacées
du calcul égoïste et les monstres obscurantistes et liberticides tandis que les
grandes utopies émancipatrices sont à la peine. Il redevient urgent d'inventer
les nouvelles voies de l'émancipation humaine en redonnant du souffle et de
l’ampleur à notre ambition transformatrice.
Il faut pour cela se tourner à nouveau vers l’art et
la création, l'imaginaire et la connaissance, vers les artistes et les
intellectuels, vers toutes celles et tous ceux qui ont pour vocation de
partager le sens et le sensible afin, ensemble, de réinventer les mots et la
symbolique d'un autre avenir.
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