jeudi 29 janvier 2015

Le racisme contre le vivre ensemble.

Le peuple rassemblé le 11 janvier a affirmé sa condamnation de la barbarie sur la base du triptyque républicain mais aussi que la fraternité soit mieux conjuguée avec la liberté et l’égalité.
L’urgence de renouer le fil de la solidarité dans une France profondément divisée est une des urgences que je veux explorer ici.
Le 11 janvier trace une ligne de conduite à l’inverse du « patriot act » que certains à droite et à l’extrême droite voudraient nous imposer. Nous ne devons ni mettre en cause nos libertés, ni désigner des boucs émissaires.
Il nous faut au contraire affronter ensemble les drames auxquels notre peuple est confronté depuis trop longtemps : chômage et désocialisation ; inégalités culturelles et crise d’identité ; violence et progression du racisme. Or celui-ci est devenu le poison qui mine de l’intérieur notre société redoublant les fractures sociales et démocratiques marginalisant les classes populaires.
L’antisémitisme et l’islamophobie fonctionnent en miroir et il faut avoir la volonté de sortir de cet engrenage infernal : les juifs de France ne sont pas plus responsables des exactions du gouvernement israélien que les musulmans de France ne sont responsables de tueries organisées ici et ailleurs par Al-Qaïda ou Daesh. Comment peut-on exiger des uns et des autres qu’ils fassent la preuve de leur innocence face à ces crimes abominables. Est-ce d’ailleurs là que se situent les vrais problèmes ?
Renouer les liens de fraternité passe par la nécessité d’affronter deux questions majeures :
En premier lieu s’atteler à renouer le lien avec cette part de la jeunesse française issue des immigrations maghrébines et africaines. Le constat de sa situation est effrayant à dresser : abandonné par la République cette jeunesse subit en quelque sorte une double peine : la ségrégation sociale et spatiale commune à tous ceux qui sont frappés par les formes de l’exclusion sociale, et celle spécifique à leurs origines. Ce que les sociologues qualifient de politiques d’ethnicisassion ou de racialisation des rapports sociaux. En clair toutes les formes de discriminations et de stigmatisation que ces jeunes subissent face à l’emploi, au logement, à l’accès à la culture, à l’éducation, aux loisirs. Pour beaucoup d’entre eux l’avenir se réduit au mieux au foot ou à la star académie, au pire à la délinquance et au djihadisme, souvent aux deux.
Tout commande aujourd’hui de faire de ces jeunes les acteurs d’un vaste plan de conquête sociale et culturelle de leurs droits. C’est la condition d’une reconnaissance de leur dignité et de leur identité qu’ils estiment à juste titre bafouées au point pour certains de ne plus rien attendre de la France et de la République.
En second lieu, il faut en finir avec cet inconscient collectif qui s’origine dans l’esprit colonial qui façonne, parfois malgré nous, le regard que nous portons sur les populations venues de notre ancien « empire », singulièrement des mondes maghrébins et africains et de l’univers islamique.
Nous sommes tous concernés et comptables de ce regard. Il nous faut revisiter et dépasser cet héritage détestable et opérer, n’ayons pas peur des mots, une véritable résolution culturelle.
Nous pourrons alors concevoir que les migrations internationales, la libre circulation des femmes et des hommes, ne sont pas un problème mais un des outils de la construction d’une mondialité de liberté, de paix et de coopération. Nous pourrons alors concevoir de fonder le droit de vote et l’exercice de la citoyenneté sur le droit du sol et de la résidence.
Le 11 janvier loin d’appeler à la régression sécuritaire de nos libertés et à la haine de « l’étranger » exige tout au contraire la construction d’une société radicalement différente. Une société d’émancipation humaine fondée non sur la concurrence et la violence, mais sur la solidarité et le partage, non sur l’autoritarisme, mais sur une conception citoyenne de la politique, non sur le racisme et le rejet de l’autre mais sur une laïcité ouverte et fraternelle, garantissant l’égalité et respectueuse des libertés d’expression et de création, d’opinion et de conscience. Il s’agit simplement de construire un monde fondé non sur la guerre des civilisations mais sur les droits des peuples et des individus
 

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