Le peuple rassemblé le 11 janvier a affirmé sa
condamnation de la barbarie sur la base du triptyque républicain mais aussi que
la fraternité soit mieux conjuguée avec la liberté et l’égalité.
L’urgence de renouer le fil de la solidarité dans
une France profondément divisée est une des urgences que je veux explorer ici.
Le 11 janvier trace une ligne de conduite à
l’inverse du « patriot act » que certains à droite et à l’extrême
droite voudraient nous imposer. Nous ne devons ni mettre en cause nos libertés,
ni désigner des boucs émissaires.
Il nous faut au contraire affronter ensemble les
drames auxquels notre peuple est confronté depuis trop longtemps : chômage
et désocialisation ; inégalités culturelles et crise d’identité ;
violence et progression du racisme. Or celui-ci est devenu le poison qui mine
de l’intérieur notre société redoublant les fractures sociales et démocratiques
marginalisant les classes populaires.
L’antisémitisme et l’islamophobie fonctionnent en
miroir et il faut avoir la volonté de sortir de cet engrenage infernal :
les juifs de France ne sont pas plus responsables des exactions du gouvernement
israélien que les musulmans de France ne sont responsables de tueries
organisées ici et ailleurs par Al-Qaïda ou Daesh. Comment peut-on exiger des
uns et des autres qu’ils fassent la preuve de leur innocence face à ces crimes
abominables. Est-ce d’ailleurs là que se situent les vrais problèmes ?
Renouer les liens de fraternité passe par la
nécessité d’affronter deux questions majeures :
En premier lieu s’atteler à renouer le lien avec
cette part de la jeunesse française issue des immigrations maghrébines et
africaines. Le constat de sa situation est effrayant à dresser : abandonné
par la République cette jeunesse subit en quelque sorte une double peine :
la ségrégation sociale et spatiale commune à tous ceux qui sont frappés par les
formes de l’exclusion sociale, et celle spécifique à leurs origines. Ce que les
sociologues qualifient de politiques d’ethnicisassion ou de racialisation des
rapports sociaux. En clair toutes les formes de discriminations et de
stigmatisation que ces jeunes subissent face à l’emploi, au logement, à l’accès
à la culture, à l’éducation, aux loisirs. Pour beaucoup d’entre eux l’avenir se
réduit au mieux au foot ou à la star académie, au pire à la délinquance et au
djihadisme, souvent aux deux.
Tout commande aujourd’hui de faire de ces jeunes les
acteurs d’un vaste plan de conquête sociale et culturelle de leurs droits.
C’est la condition d’une reconnaissance de leur dignité et de leur identité
qu’ils estiment à juste titre bafouées au point pour certains de ne plus rien
attendre de la France et de la République.
En second lieu, il faut en finir avec cet
inconscient collectif qui s’origine dans l’esprit colonial qui façonne, parfois
malgré nous, le regard que nous portons sur les populations venues de notre ancien
« empire », singulièrement des mondes maghrébins et africains et de l’univers
islamique.
Nous sommes tous concernés et comptables de ce
regard. Il nous faut revisiter et dépasser cet héritage détestable et opérer,
n’ayons pas peur des mots, une véritable résolution culturelle.
Nous pourrons alors concevoir que les migrations
internationales, la libre circulation des femmes et des hommes, ne sont pas un
problème mais un des outils de la construction d’une mondialité de liberté, de
paix et de coopération. Nous pourrons alors concevoir de fonder le droit de
vote et l’exercice de la citoyenneté sur le droit du sol et de la résidence.
Le 11 janvier
loin d’appeler à la régression sécuritaire de nos libertés et à la haine de
« l’étranger » exige tout au contraire la construction d’une société
radicalement différente. Une société d’émancipation humaine fondée non sur la
concurrence et la violence, mais sur la solidarité et le partage, non sur
l’autoritarisme, mais sur une conception citoyenne de la politique, non sur le
racisme et le rejet de l’autre mais sur une laïcité ouverte et fraternelle,
garantissant l’égalité et respectueuse des libertés d’expression et de
création, d’opinion et de conscience. Il s’agit simplement de construire un
monde fondé non sur la guerre des civilisations mais sur les droits des peuples
et des individus
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