mardi 21 avril 2015

Fin de l'Etat de droit ?

« Un projet qui porte gravement atteinte aux libertés individuelles ». C’est ainsi que le projet de loi sur le renseignement actuellement débattu à l’Assemblée nationale est qualifié par trois éminentes personnalités mondiales : N. Muiznieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Forst et B. Emmerson rapporteurs des Nations Unies sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme dans Le Monde du 14 avril dernier.
Je partage leur opinion pour au moins trois raisons majeures.
-      En premier lieu ce projet de loi met en cause le droit au respect de la vie privée. Il autorise en effet des surveillances dans l’espace privé avec pose de micros et captation d’images ; il permet d’accéder en temps réel aux données Internet et de corréler toutes ces données avec nos traces numériques, comptes bancaires, dossiers médicaux, scolaires, professionnels, achats, géolocalisation, vidéo surveillance sans oublier nos interventions dans les réseaux sociaux. C’est ce que les spécialistes nomment le « big data » qui s’apparenterait ici au « big brother ».
-      En deuxième lieu parce qu’au nom de la lutte contre le terrorisme, ce projet de loi autorise la surveillance de tous les individus. Il permettrait ainsi de contrôler les mouvements de contestation sociale, syndicaux, associatifs, écologiques, citoyens et politiques. Chacune et chacun d’entre nous sera considéré comme suspect potentiel et pourra « préventivement » faire l’objet de l’attention des services de renseignement et de police.
-      En troisième lieu parce que toutes ces mesures de surveillance ne seront pas contrôlées par l’autorité judiciaire. Dans un Etat de droit seul un juge peut autoriser l’intrusion de l’Etat dans la vie des citoyens après en avoir vérifié la légalité, la nécessité et mesurer la proportionnalité au regard du motif invoqué par l’administration. Le projet de loi ne prévoit que la consultation d’une « Commission de Contrôle des Techniques du Renseignement » créée pour la circonstance. Or, il s’agit d’une institution administrative dépendante du pouvoir politique. C’est une mise en cause gravissime de l’équilibre des pouvoirs fondement de l’Etat de droit et de l’exercice effectif des droits civiques et politiques.
En vérité ce projet de loi est liberticide et menace directement nos droits et nos libertés. Il est proprement incroyable que le gouvernement et les députés qui le soutiennent, tournent le dos à ce point à l’engagement que F. Hollande, M. Valls et B. Cazeneuve avaient pris après les attentats de janvier, de ne pas se précipiter dans un « Patriot Act » à la française. Alors qu’ils passent leur temps ces jours-ci à rappeler leur appartenance à la gauche, ils n’entendent pas les condamnations qui émanent de partout : organisations de défense des droits de l’homme, organisations syndicales, parlementaires communistes et Front de gauche, écologistes et socialistes qui refusent de voir la France, terre de liberté, adopter cette loi aux relents totalitaires.
Orwell est désormais-là, allons-nous laisser faire ?

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