« Un
projet qui porte gravement atteinte aux libertés individuelles ». C’est
ainsi que le projet de loi sur le renseignement actuellement débattu à
l’Assemblée nationale est qualifié par trois éminentes personnalités mondiales :
N. Muiznieks, Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, M. Forst et B. Emmerson rapporteurs des Nations Unies
sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme dans Le Monde du 14
avril dernier.
Je partage
leur opinion pour au moins trois raisons majeures.
- En premier lieu ce projet de loi met
en cause le droit au respect de la vie privée. Il autorise en effet des
surveillances dans l’espace privé avec pose de micros et captation d’images ;
il permet d’accéder en temps réel aux données Internet et de corréler toutes
ces données avec nos traces numériques, comptes bancaires, dossiers médicaux,
scolaires, professionnels, achats, géolocalisation, vidéo surveillance sans
oublier nos interventions dans les réseaux sociaux. C’est ce que les spécialistes
nomment le « big data » qui s’apparenterait ici au « big
brother ».
- En deuxième lieu parce qu’au nom de
la lutte contre le terrorisme, ce projet de loi autorise la surveillance de
tous les individus. Il permettrait ainsi de contrôler les mouvements de
contestation sociale, syndicaux, associatifs, écologiques, citoyens et
politiques. Chacune et chacun d’entre nous sera considéré comme suspect
potentiel et pourra « préventivement » faire l’objet de l’attention
des services de renseignement et de police.
- En troisième lieu parce que toutes
ces mesures de surveillance ne seront pas contrôlées par l’autorité judiciaire.
Dans un Etat de droit seul un juge peut autoriser l’intrusion de l’Etat dans la
vie des citoyens après en avoir vérifié la légalité, la nécessité et mesurer la
proportionnalité au regard du motif invoqué par l’administration. Le projet de
loi ne prévoit que la consultation d’une « Commission de Contrôle des Techniques
du Renseignement » créée pour la circonstance. Or, il s’agit d’une institution
administrative dépendante du pouvoir politique. C’est une mise en cause
gravissime de l’équilibre des pouvoirs fondement de l’Etat de droit et de
l’exercice effectif des droits civiques et politiques.
En vérité ce
projet de loi est liberticide et menace directement nos droits et nos libertés.
Il est proprement incroyable que le gouvernement et les députés qui le
soutiennent, tournent le dos à ce point à l’engagement que F. Hollande, M.
Valls et B. Cazeneuve avaient pris après les attentats de janvier, de ne pas se
précipiter dans un « Patriot Act » à la française. Alors qu’ils
passent leur temps ces jours-ci à rappeler leur appartenance à la gauche, ils n’entendent
pas les condamnations qui émanent de partout : organisations de défense
des droits de l’homme, organisations syndicales, parlementaires communistes et
Front de gauche, écologistes et socialistes qui refusent de voir la France,
terre de liberté, adopter cette loi aux relents totalitaires.
Orwell est
désormais-là, allons-nous laisser faire ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire