jeudi 28 mai 2015

Collège : le vrai débat

Le débat sur la réforme du collège a été brutalement interrompu par le gouvernement quelques heures après les manifestations enseignantes. Mais le débat a-t-il vraiment eu lieu ? En fait non.
Il a été réduit à une prétendue opposition entre la réforme gouvernementale et l’opposition de droite. Celle-ci veut en finir avec le collège unique, installer une large autonomie des établissements qui deviendraient des gares de triage dès la 6e et la 5e pour diriger une minorité des élèves vers des études longues et la majorité vers un apprentissage professionnel maitrisé par le patronat et géré par les Régions. Discours ultra-libéral classique qui dit clairement la volonté de démanteler le service public de l’Education Nationale, d’entériner la sélection sociale et de livrer au patronat une main d’œuvre taillable et corvéable.
Le décret gouvernemental prend il le contre-pied de cette démarche ? C’est ce que prétend la Ministre en affirmant que « le collège actuel n’est ni unique, ni juste, encore moins efficace ». Fort bien. Mais que propose-t-elle pour y remédier ? Une énième réforme pédagogique fondée sur la suppression d’enseignements dits « élitistes » et la création de projets communs à plusieurs disciplines dans la transversalité des approches et la modernisation des méthodes. Qui peut ne pas y voir une démarche progressiste susceptible de lutter contre l’échec scolaire ? Et pourtant ce n’est pas le cas pour 2 raisons.
Cette réforme se fait sans moyens nouveaux, pire en réduisant les moyens existants en particulier dans les quartiers populaires. En second lieu cette réforme ignore les expériences novatrices initiées par les enseignants dans de nombreux collèges. Celles-ci montrent la nécessité, contrairement à ce que fait la réforme, de ne pas opposer les cours disciplinaires aux démarches interdisciplinaires. Elles montrent aussi l'obligation de dédoubler les classes dans les projets communs, ce que la réforme ne prévoit pas puisqu’elle se fait dans une économie de moyens dictée par l’austérité.
Il s’agit donc d’un rideau de fumée qui masque des aspects de la réforme autrement plus dangereux, aggravant les inégalités qu’elle prétend combattre. En effet ce texte prévoit, comme le préconise la droite, de s’engager dans la voie de l’autonomie des établissements préfigurant l’abandon du cadre national des programmes et la fin de l’ambition d’une culture commune de haut niveau partout et pour tous.
En outre, cela provoquera la fin du collège unique en permettant d’adapter la formation à chaque public. Aux enfants des classes moyennes cultivés et des classes supérieures, les études longues et généralistes ouvrant la porte des universités et des grandes écoles. Aux enfants des classes populaires et d’une grande partie des classes moyennes, les options spécialisées les dirigeants vers une préprofessionnalisation précoce à travers l’enseignement professionnel et l’apprentissage.
Le vrai débat n’est donc pas entre les tenants du projet gouvernemental et l’opposition de droite mais entre les partisans d’une école de la sélection redoublant les inégalités sociales et les militants d’une école de la réussite pour tous.
Ce débat n’a pas eu lieu. Il faut tout faire pour l’imposer.

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