Le débat sur
la réforme du collège a été brutalement interrompu par le gouvernement quelques
heures après les manifestations enseignantes. Mais le débat a-t-il vraiment eu
lieu ? En fait non.
Il a été
réduit à une prétendue opposition entre la réforme gouvernementale et
l’opposition de droite. Celle-ci veut en finir avec le collège unique,
installer une large autonomie des établissements qui deviendraient des gares de
triage dès la 6e et la 5e pour diriger une minorité des
élèves vers des études longues et la majorité vers un apprentissage
professionnel maitrisé par le patronat et géré par les Régions. Discours
ultra-libéral classique qui dit clairement la volonté de démanteler le service
public de l’Education Nationale, d’entériner la sélection sociale et de livrer
au patronat une main d’œuvre taillable et corvéable.
Le décret
gouvernemental prend il le contre-pied de cette démarche ? C’est ce que
prétend la Ministre en affirmant que « le collège actuel n’est ni unique,
ni juste, encore moins efficace ». Fort bien. Mais que propose-t-elle pour
y remédier ? Une énième réforme pédagogique fondée sur la suppression
d’enseignements dits « élitistes » et la création de projets communs
à plusieurs disciplines dans la transversalité des approches et la
modernisation des méthodes. Qui peut ne pas y voir une démarche progressiste
susceptible de lutter contre l’échec scolaire ? Et pourtant ce n’est pas
le cas pour 2 raisons.
Cette
réforme se fait sans moyens nouveaux, pire en réduisant les moyens existants en
particulier dans les quartiers populaires. En second lieu cette réforme ignore
les expériences novatrices initiées par les enseignants dans de nombreux
collèges. Celles-ci montrent la nécessité, contrairement à ce que fait la
réforme, de ne pas opposer les cours disciplinaires aux démarches
interdisciplinaires. Elles montrent aussi l'obligation de dédoubler les classes
dans les projets communs, ce que la réforme ne prévoit pas puisqu’elle se fait
dans une économie de moyens dictée par l’austérité.
Il s’agit
donc d’un rideau de fumée qui masque des aspects de la réforme autrement plus
dangereux, aggravant les inégalités qu’elle prétend combattre. En effet ce
texte prévoit, comme le préconise la droite, de s’engager dans la voie de
l’autonomie des établissements préfigurant l’abandon du cadre national des
programmes et la fin de l’ambition d’une culture commune de haut niveau partout
et pour tous.
En outre,
cela provoquera la fin du collège unique en permettant d’adapter la formation à
chaque public. Aux enfants des classes moyennes cultivés et des classes
supérieures, les études longues et généralistes ouvrant la porte des
universités et des grandes écoles. Aux enfants des classes populaires et d’une
grande partie des classes moyennes, les options spécialisées les dirigeants
vers une préprofessionnalisation précoce à travers l’enseignement professionnel
et l’apprentissage.
Le vrai
débat n’est donc pas entre les tenants du projet gouvernemental et l’opposition
de droite mais entre les partisans d’une école de la sélection redoublant les
inégalités sociales et les militants d’une école de la réussite pour tous.
Ce débat n’a
pas eu lieu. Il faut tout faire pour l’imposer.
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