Laurence Parisot a qualifié le film de Stéphane Brizet,
primé à Cannes par le prix d’interprétation attribué à Vincent Lindon, de
« film d’horreur » transformant en « cauchemar » la vie
dans les entreprises. Allez donc voir « la loi du marché », un film remarquable « en prise directe avec
le monde » pour reprendre l’expression utilisée par Vincent Lindon.
Qu’est-ce que nous raconte ce film ? Un ancien
ouvrier au chômage longue-durée suite à une
fermeture d’entreprise, est contraint de devenir agent de sécurité dans un
hypermarché. Très vite il se rend compte que sa hiérarchie lui demande, non
seulement de surveiller les clients indélicats mais aussi les caissières du
magasin. Il le fait à l’aide de caméras de surveillance à qui rien n’échappe
même le fait qu’une caissière garde des bons de réductions oubliés par des
clients. Une manière
sans doute de compenser les salaires bas et les temps partiels imposés.
En fait, le directeur de l’hypermarché, pressé par le groupe auquel il appartient de
comprimer la masse salariale, cherche par tous les moyens à licencier sans
indemnités. Thierry, le personnage principal du film,
courbe l’échine mais à un moment il se relève et refuse de cautionner
plus longtemps cette façon d’écraser les individus.
Telle est la loi du marché qui gêne Vincent Lindon
« parce qu‘elle veut dire que tout le monde est présumé coupable ».
Le chômeur devant le conseiller de Pôle-emploi, le
stagiaire en formation devant son formateur, le client ou la caissière d’une
grande surface devant un vigile aux ordres.
Le film montre à quel point la domination implacable de
la loi du marché s’exerce à l’aide de cadres subalternes, qui sont autant
d’intermédiaires, conscients ou non de leur rôle, entre les vrais responsables, jamais
visibles, et des individus isolés, systématiquement mis en concurrence et
placés face à un destin pourtant collectif.
Ce film montre la complexité et la multiplicité des
canaux par lesquels passent aujourd’hui les mécanismes de l’aliénation à
l’ordre établi. Autant de petits riens qui relèvent au quotidien une violence
inouïe aux graves conséquences psychologiques que l’on ne mesure pas, jusqu’au geste fatal, le suicide. Et encore, quand
il a lieu, un directeur des « ressources humaines » ( !) vient
doctement expliquer que le caractère dramatique d’une telle démarche relève de
l’intime et renvoie à une multiplicité de causes non réductibles donc à la
seule vie professionnelle.
« Ce film cogne dure, mais il est bourré
d’espoirs » nous dit encore Vincent Lindon qui s’est identifié à ce
personnage, « un homme digne qui en bave et veut travailler ». Il
refuse de se laisser écraser par « un système qui nous prend pour des
bœufs et se fout de nous ».
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ces propos sur un
film qui constitue une bouffée d’air entre les
sempiternelles comédies à la française et les énièmes films sur les relations
sentimentales dans et hors du couple.
Vous avez sans doute compris pourquoi je vous conseille
vivement de voir ce film qui a tant irrité Laurence Parisot.
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