Contre le
consensus qui a vu à Air France, la direction, le gouvernement et les médias
condamnaient de concert la prétendue violence sociale, la contre-offensive
a marqué des points. Une majorité de français, tout en ne l’approuvant pas,
comprennent la réaction des salariés d’Air France. Est-ce un hasard si
l’exécutif fait mine désormais de prendre ses distances avec la direction ?
Un immense
mouvement de solidarité s’est en effet exprimé partout et nous l’avons bien
senti autour de nous. Qui n’a pas été ému par le témoignage de Xavier Mathieu,
l’ancien « Conti », sur Canal + ; qui n’a pas été impressionné
par l’attitude digne du syndicaliste CGT des chantiers de Saint Nazaire qui a
refusé de serrer la main du Président de la République ; qui n’a pas été
convaincu par l’analyse percutante de Monique Pinçon-Charlot sur France 2 et
les fortes paroles d’autres intellectuels de gauche que l’on a enfin entendu
dans les médias. Interventions claires aussi des responsables politiques tels J.L
Mélenchon, P. Laurent, A.Chassaigne, G.Filoche, C.Dufflot, O. Besancenot et
quelques autres. La gauche redevient audible quand elle retrouve le sens de la
défense de l’humain contre le profit ; quand elle ne fait aucun compromis
avec ceux qui réduisent les individus à des chiffres dans des calculs de
rentabilité, comme avec ceux qui invoquent la race blanche ou l’identité
nationale pour mieux justifier et aggraver la concurrence en l’ethnicisant ;
quand elle se démarque clairement d’un gouvernement qui vole systématiquement
au secours des patrons et des actionnaires, prétend agir pour inverser la
courbe du chômage alors qu’il entérine tous les plans de licenciement, ferme
les yeux sur le scandale de la surexploitation des travailleurs détachés ou
s’en prend au Code du travail pour fragiliser encore plus le salariat.
Tout a été
dit sur la violence patronale, son invisibilité que dénonçait déjà Jaurès, sa capacité
à « atteindre les gens au plus profond de leur esprit et de leur
corps » pour reprendre un propos de M. Pinçon-Charlot. « La
répression de la seule violence ouvrière », disait encore Jaurès,
« laisse le champ libre à la violence patronale ». Celle-ci se mesure
aujourd’hui à l’ampleur du chômage, à l’immense paupérisation urbaine comme
elle atteint aussi les campagnes où le suicide des paysans devient récurrent.
Oui la
contre violence est légitime quand elle est le symptôme d’une société malade.
Il y a en effet quelque chose de pourri au royaume de France mais nous en
savons les causes : le règne sans partage de la finance et la sacro-sainte
dictature du profit sur la condition humaine.
Mais cette
contre-violence ne suffit pas. Les libéraux ne conçoivent les rapports sociaux
que sous la forme de rapports de domination sur des individus pris séparément
et mis en concurrence. Ils leur imposent une contrainte externe, la loi du
marché, qu’ils prétendent non discutable.
Et si
justement on la discutait ? Et si, comme l’écrit le philosophe F. Fichback
dans l’Humanité, à la contre-violence légitime succédait « une entreprise
consistant pour les travailleurs à se réapproprier leurs propres rapports
sociaux, à en reprendre la maitrise pour leur donner une forme qui leur
permette de partager entre eux une vie digne ».
« Ce
qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience »
(René Char)
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