jeudi 22 octobre 2015

Pour un intellectuel collectif

Une série d’articles publiée par le Monde, Libération et l’Humanité mettent en cause l’omniprésence dans le débat public des Zemmour, Finkelkraut, Onfray et d’autres prétendus intellectuels, vrais bouffons produits et formatés par le système médiatique. Une idée se dégage : comment les penseurs de l’émancipation peuvent-ils réinvestir l’espace public ?
Le venin populiste de la perte d’identité, du déclin de l’occident et du suicide de la nation face au fantasme de l’invasion étrangère, nous révoltent légitimement mais cela doit aussi nous inciter à penser les moyens et les contenus de cette contre-offensive. Il ne suffira pas de s’en prendre aux médias. Il faut inventer un nouveau grand récit émancipateur et tout d’abord savoir comment et qui doit le faire.
Nous voyons bien que ce que l’on nomme en France, depuis l’affaire Dreyfus, un « intellectuel » pose un problème réel. La figure de l’écrivain qui s’insurge contre l’injustice, parle au nom du peuple est devenue une catégorie inopérante. Dans la même lignée, la figure sartrienne de « l’intellectuel universel » comme celle de « l’intellectuel spécifique » chère à Foucault, sont déconnectés  des évolutions et des enjeux de l’époque.
L’intellectualisation généralisée du travail et la production, l’ampleur de la scolarisation de la jeunesse, la révolution  numérique, l’intervention de millions de citoyens, mieux instruits et mieux formés, dans l’économie, la recherche, la vie sociale, culturelle et politique, changent totalement la donne.
Aujourd’hui, comme le pressentait Gramsci, une part de plus en plus grande de la population, utilise plus son cerveau que ses mains ; chacun-e- pense et crée sa propre vie parce qu’il ou elle aspire à maîtriser son travail, sa vie personnelle, son temps et son espace mais aussi son rapport aux autres à l’aide de la vie associative, culturelle et même quoiqu’on en dise, de la vie politique.
Il est grand temps d’en prendre conscience et construire une autre figure de l’intellectuel, celle de « l’intellectuel collectif » qui rassemblerait tous ceux, quel que soit leur statut social, qui refusent le declinisme néolibéral comme le repli identitaire, les inégalités, les dominations et les exclusions qu’ils engendrent ; ceux qui rêvent d’affronter la crise de sens qui nous privent de notre histoire, de notre avenir, de l’espoir de vivre mieux et autrement.
Un intellectuel collectif capable de confronter les pensées critiques entre elles et en même temps de les mêler à la pratique de ceux qui agissent, réfléchissent et parfois inventent une autre façon de faire société.
Un intellectuel collectif capable, au sein d’un air du temps pollué, de remettre l’ouvrage révolutionnaire sur le métier, de reconstruire les concepts, les idées, les valeurs, l’imaginaire d’une nouvelle hégémonie culturelle humaniste et émancipatrice, solidaire et durable, égalitaire et citoyenne.
Le monde est ainsi fait que seul nous ne pouvons rien et c’est une bonne chose. Faire en sorte que les acteurs sociaux s’approprient les pouvoirs relève désormais d’une ambition collective et constitue une tâche qui doit  les faire coopérer.
Penser c’est résister a-t-on raison de dire mais résister c’est créer, c’est inventer l’avenir et les voies nouvelles d’une alternative au capitalisme et à toutes les dominations.
 

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