Une série
d’articles publiée par le Monde, Libération et l’Humanité mettent en cause
l’omniprésence dans le débat public des Zemmour, Finkelkraut, Onfray et d’autres
prétendus intellectuels, vrais bouffons produits et formatés par le système
médiatique. Une idée se dégage : comment les penseurs de l’émancipation
peuvent-ils réinvestir l’espace public ?
Le venin
populiste de la perte d’identité, du déclin de l’occident et du suicide de la
nation face au fantasme de l’invasion étrangère, nous révoltent légitimement
mais cela doit aussi nous inciter à penser les moyens et les contenus de cette
contre-offensive. Il ne suffira pas de s’en prendre aux médias. Il faut
inventer un nouveau grand récit émancipateur et tout d’abord savoir comment et
qui doit le faire.
Nous voyons
bien que ce que l’on nomme en France, depuis l’affaire Dreyfus, un
« intellectuel » pose un problème réel. La figure de l’écrivain qui
s’insurge contre l’injustice, parle au nom du peuple est devenue une catégorie
inopérante. Dans la même lignée, la figure sartrienne de « l’intellectuel
universel » comme celle de « l’intellectuel spécifique » chère à
Foucault, sont déconnectés des évolutions et des enjeux de l’époque.
L’intellectualisation
généralisée du travail et la production, l’ampleur de la scolarisation de la
jeunesse, la révolution numérique,
l’intervention de millions de citoyens, mieux instruits et mieux formés, dans
l’économie, la recherche, la vie sociale, culturelle et politique, changent
totalement la donne.
Aujourd’hui,
comme le pressentait Gramsci, une part de plus en plus grande de la population,
utilise plus son cerveau que ses mains ; chacun-e- pense et crée sa propre
vie parce qu’il ou elle aspire à maîtriser son travail, sa vie personnelle, son
temps et son espace mais aussi son rapport aux autres à l’aide de la vie associative,
culturelle et même quoiqu’on en dise, de la vie politique.
Il est grand
temps d’en prendre conscience et construire une autre figure de l’intellectuel,
celle de « l’intellectuel collectif » qui rassemblerait tous ceux, quel
que soit leur statut social, qui refusent le declinisme néolibéral comme le repli
identitaire, les inégalités, les dominations et les exclusions qu’ils
engendrent ; ceux qui rêvent d’affronter la crise de sens qui nous privent
de notre histoire, de notre avenir, de l’espoir de vivre mieux et autrement.
Un
intellectuel collectif capable de confronter les pensées critiques entre elles
et en même temps de les mêler à la pratique de ceux qui agissent, réfléchissent
et parfois inventent une autre façon de faire société.
Un
intellectuel collectif capable, au sein d’un air du temps pollué, de remettre
l’ouvrage révolutionnaire sur le métier, de reconstruire les concepts, les
idées, les valeurs, l’imaginaire d’une nouvelle hégémonie culturelle humaniste
et émancipatrice, solidaire et durable, égalitaire et citoyenne.
Le monde est
ainsi fait que seul nous ne pouvons rien et c’est une bonne chose. Faire en
sorte que les acteurs sociaux s’approprient les pouvoirs relève désormais d’une
ambition collective et constitue une tâche qui doit les faire coopérer.
Penser c’est
résister a-t-on raison de dire mais résister c’est créer, c’est inventer
l’avenir et les voies nouvelles d’une alternative au capitalisme et à toutes
les dominations.
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