Nous sommes
bouleversés et sous le choc des évènements tragiques de Paris. Prenons le temps
de l’émotion, du partage et de la solidarité. Prenons aussi le temps de la
réflexion. Il nous faut en effet mettre les bons mots sur ce qui arrive parce
que « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »
(Camus).
A-t-on
affaire à de simples psychopathes assoiffés de sang ou des fous de Dieu menant
en martyr une guerre sainte ? Il y a sans doute individuellement quelque
chose de cela. Mais au-delà nous avons affaire à un mouvement politique, très
structuré, abondamment financé et surtout animé d’une idéologie
d’extrême-droite, d’asservissement et de deshumanisation. Elle s’apparente,
sous des formes spécifiques au monde oriental, à l’entreprise totalitaire
nazi : même affirmation d’une pureté identitaire, même rejet violent des
infidèles et des impurs, même haine de l’art, du savoir et de tout ce qui fait
culture et rassemble les êtres humains, la musique, la danse, le sport,
l’amour…
L’objectif
poursuivi par les attentats du 13 novembre est clair : il s’agit de
diviser le peuple français et de provoquer une véritable chasse aux musulmans
avec un calcul simple : inciter les français de confession ou d’origine
musulmane à rallier leur croisade. Il est important de déjouer ensemble ce
sinistre calcul car ce mouvement ne sort pas du néant.
Comme le
rappelle Roland Gori, il est le produit monstrueux d’un capitalisme assoiffé de
profit qui a fait du monde entier son terrain de chasse, fabriquant inégalité
sociale et culturelle, déstabilisant les équilibres humains, naturels et
politiques.
C’est cette
vaste entreprise d’humiliation des peuples, foulant aux pieds la dignité
humaine et menant des guerres partout, qui provoque ces réactions violentes.
Comment
s’étonner que le monde arabo-musulman, aire où les colonisations, les
soumissions, les guerres ont été parmi les plus tragiques, enfante une telle
monstruosité ? Mais en quoi ajouter la guerre à la guerre résoudra-t-il un
problème qui demande au contraire, paix, reconnaissance des droits des peuples,
co-développement juste et équitable ?
Contredisant
la thèse du « choc des civilisations », le djihadisme n’est que la
caricature sinistre d’un néofascisme présent partout, singulièrement en Europe
et en France. Ici comme là-bas il constitue la roue de secours du libéralisme, destinée
à reproduire d’une manière autoritaire et violente les sociétés de dominations.
Comment et
pourquoi le djihadisme trouve-t-il un écho dans notre pays ? Raphaël Liogier, nous rappelle
que toutes les études montrent que les jeunes djihadistes français « ne
viennent pas du communautarisme mais de la désocialisation ». En clair ils
ne se recrutent pas dans les mosquées mais dans les réseaux de la délinquance.
Le concept de « radicalisation » est donc inopérant et désigner la
communauté musulmane comme « ennemi de l’intérieur » est injuste et inefficace.
La jeunesse
de France, singulièrement la jeunesse issue des cités populaires est la
première victime de l’austérité, du chômage et de la précarité. L’éducation, la
culture et le sport ont de plus en plus de mal à colmater les fractures
sociales et identitaires, désormais béantes.
A quels
repères peuvent se raccrocher ces jeunes en butte à la crise sociale et
politique et au délitement des services publics ? D’autant plus qu’ils
subissent une double peine : la précarisation pour tous et les
discriminations qui les excluent.
L’état
d’urgence dont nous avons besoin et auquel aspire notre peuple, admirable dans
ses réactions, n’est pas celui qui restreint nos droits et nos libertés mais au
contraire celui qui décrète la République fraternelle, égalitaire et
libertaire. Le moment est venu de penser l’avenir et de construire ensemble un
nouveau récit émancipateur, humaniste et démocratique.
« J’espère
en toi, marcheur qui vient dans les ténèbres, avenir ! » Victor Hugo
l’année terrible (1872).
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