Ma chronique sur le débat à gauche autour de l’échéance
présidentielle a suscité quelques remarques à propos de mes réserves à l’égard
de l’initiative de J.L. Mélenchon. Le sujet est d’une importance vitale pour la
gauche en 2017 et au-delà. Il est donc urgent de se mettre en mouvement afin de
déjouer le piège qui nous est tendu. Mais la démarche gaullienne empruntée par
J.L.M n’est pas à mon sens la bonne méthode. On me dit qu’il ne fait que
proposer sa candidature. Fort bien. Mais alors quand et dans quel cadre
va-t-on discuter de cette proposition,
d’autres éventuelles candidatures et le mode de désignation et au préalable le
programme ?
« Notre héritage
n’est précédé d’aucun testament » écrivait René Char. Nul n’est
dépositaire de l’aventure collective du Front de gauche et de la campagne de
2012 d’autant que 2017 ne sera pas la
répétition de 2012. Parce que la dérive libérale et sécuritaire de l’exécutif
Hollande/Valls élargit considérablement les possibilités de rassemblement en
même temps qu’elle nous impose d’assumer la gauche dans son entièreté. Il est
impératif, non de tirer un trait sur le Front de gauche, ce que fait J.L.M.,
mais de construire avec lui un Front plus large, populaire et citoyen, social
et écologique. L’ambition ne peut être de reproduire la candidature de
témoignage d’une gauche radicale repliée sur elle-même mais de bousculer la
donne en faisant vivre un nouveau
rassemblement. Qui a envie de vivre le
cauchemar de devoir faire barrage à M. Le Pen au 2e tour quel que
soit l’autre candidat en lice ?
On me dit qu’il faut dépasser les appareils et s’adresser
directement aux citoyens. Tout à fait d’accord à condition que cette démarche
ne soit pas celle d’un homme seul face à des individus isolés dans le cadre
illusoire d’une démocratie du Web. Il s’agit, qu’on le veuille ou non, d’une
dérive plébiscitaire. Il nous faut au contraire travailler à une convergence
entre des forces politiques et des mouvements citoyens fabriquant en commun des
fronts d’idées, de luttes et de projets.
Là est le cœur du problème. Etre insoumis à l’ordre établi ne
dit pas par quoi on le remplace. Qui fera la synthèse des débats et des
propositions citoyennes ? Le
candidat seul ? Il parait que J.L.M. a déjà son programme, « l’Humain
d’abord » rédigé il y a 5 ans ! Pour avoir modestement contribué à
son élaboration je sais les débats qu’il a suscités et les questions non
résolues qu’il contient. Quelle conception de la nation, souverainiste ou
ouverte sur le monde, antimondialiste ou altermondialiste ? Faut-il sortir
de l’Europe ou imposer la lutte de classes contre la finance au sein du projet
européen ? Quelle conception de la citoyenneté, liée à la nationalité ou
s’ouvrant au droit de résidence ? Quelle conception de l’Etat, centraliste
ou décentralisée ? Quelle conception de la laïcité, exclusivement anti
religieuse ou garante de la liberté de conscience, de l’égalité et de la parité,
de la diversité culturelle et de la fraternité contre la division ?
Faut-il s’inscrire dans une guerre des identités ou remettre le social au cœur
du combat contre les logiques libérales et populistes ? Pour lutter contre le
productivisme l’écologie doit- elle relever d’une planification par le haut ou
de la promotion des biens communs et de l’économie sociale et solidaire ?
Pour rassembler et unir il faut ouvrir le débat le plus
largement possible et construire, ce dont nous rêvions en 2012 et que nous n’avons
pas su faire, un Front populaire et citoyen de gauche. Ce ne peut être qu’une
œuvre commune.
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