mardi 29 mars 2016

Poser les bonnes questions


Une fois de plus l’horreur a eu lieu dans une grande capitale, en l’occurrence celle de l’Europe. L’émotion, la colère et la révolte gagnent légitimement. Mais je ne peux m’empêcher de penser que lorsque le même fléau s’abat sur Tunis, Ankara, Istanbul, Beyrouth ou Bamako, notre réaction n’est pas égale. Un mort occidental serait-il plus insupportable que cent morts arabes ou africains ? L’affrontement est mondial et il n’oppose pas des barbares (les terroristes djihadistes) aux civilisés (les européens  occidentaux). Penser cela conduit nos gouvernants à ne poser le problème qu’en termes sécuritaires et identitaires. Ils entretiennent ainsi les pulsions de vengeance, le repli sur les frontières, la fermeture de notre monde censé défendre seul les valeurs humanistes et démocratiques. Ils encouragent les théories racistes qui essentialisent l’Islam qui serait par nature la seule religion obscurantiste, violente et incompatible avec nos valeurs. Ce raisonnement ne résiste pas à l’Histoire mais il a l’immense avantage d’occulter l’état réel du monde contemporain, les rapports de domination qui le caractérisent, les immenses inégalités qui le traversent et les frustrations qu’il engendre.

Il faut penser l’impensable : un néofascisme djihadiste s’est levé au Moyen-Orient, en Afrique et désormais en Europe. Il ne nait pas de rien. Il est le produit monstrueux de plusieurs siècles de domination croisée, coloniale et impérialiste de l’Occident sur l’Orient et le Sud, niés culturellement, pillés économiquement et humiliés socialement et politiquement. Comment s’étonner, à l’heure d’un capitalisme régnant sans partage sur le monde, que les identitarismes  nationalistes et religieux aient pris la place des mouvements indépendantistes, laïcs et progressistes nés au 20e siècle réprimés par l’Occident avec la complicité de régimes locaux corrompus et fondamentalistes. L’Arabie Saoudite, les Emirats du Golfe, la Turquie, le Pakistan ont joué et jouent un rôle essentiel aux côtés des USA et des puissances européennes dans l’émergence d’El Quaïda et de Daesh. Combattre  le djihadisme c’est en finir avec ces dominations en mettant un terme aux sales guerres qui, au Moyen Orient et en Afrique, nient les droits des peuples à vivre dans la dignité, l’égalité et le respect de leurs cultures.

De même penser l’impensable, c’est apporter des réponses justes à cette jeunesse européenne issue des migrations magrébines et africaines qui subit marginalisation sociale, discriminations racistes et déni culturel. Or ce sont nos enfants et nous leur devons la même reconnaissance et les mêmes droits. Le  peuple français est un et indivisible et il est temps de comprendre que sa diversité actuelle impose de construire une culture commune fondée non sur la négation des minorités mais  sur la reconnaissance de leur apport à la communauté nationale. Quand, dans sa quête de sens, cette jeunesse rencontrera- t-elle une gauche porteuse d’un récit émancipateur ?

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