Une fois de plus l’horreur a eu lieu dans une grande capitale,
en l’occurrence celle de l’Europe. L’émotion, la colère et la révolte gagnent
légitimement. Mais je ne peux m’empêcher de penser que lorsque le même fléau
s’abat sur Tunis, Ankara, Istanbul, Beyrouth ou Bamako, notre réaction n’est
pas égale. Un mort occidental serait-il plus insupportable que cent morts
arabes ou africains ? L’affrontement est mondial et il n’oppose pas des
barbares (les terroristes djihadistes) aux civilisés (les européens occidentaux). Penser cela conduit nos
gouvernants à ne poser le problème qu’en termes sécuritaires et identitaires. Ils
entretiennent ainsi les pulsions de vengeance, le repli sur les frontières, la
fermeture de notre monde censé défendre seul les valeurs humanistes et
démocratiques. Ils encouragent les théories racistes qui essentialisent l’Islam
qui serait par nature la seule religion obscurantiste, violente et incompatible
avec nos valeurs. Ce raisonnement ne résiste pas à l’Histoire mais il a
l’immense avantage d’occulter l’état réel du monde contemporain, les rapports
de domination qui le caractérisent, les immenses inégalités qui le traversent
et les frustrations qu’il engendre.
Il faut penser l’impensable : un néofascisme djihadiste
s’est levé au Moyen-Orient, en Afrique et désormais en Europe. Il ne nait pas
de rien. Il est le produit monstrueux de plusieurs siècles de domination
croisée, coloniale et impérialiste de l’Occident sur l’Orient et le Sud, niés
culturellement, pillés économiquement et humiliés socialement et politiquement.
Comment s’étonner, à l’heure d’un capitalisme régnant sans partage sur le
monde, que les identitarismes
nationalistes et religieux aient pris la place des mouvements
indépendantistes, laïcs et progressistes nés au 20e siècle réprimés
par l’Occident avec la complicité de régimes locaux corrompus et
fondamentalistes. L’Arabie Saoudite, les Emirats du Golfe, la Turquie, le
Pakistan ont joué et jouent un rôle essentiel aux côtés des USA et des puissances
européennes dans l’émergence d’El Quaïda et de Daesh. Combattre le djihadisme c’est en finir avec ces dominations
en mettant un terme aux sales guerres qui, au Moyen Orient et en Afrique, nient
les droits des peuples à vivre dans la dignité, l’égalité et le respect de
leurs cultures.
De même penser l’impensable, c’est apporter des réponses
justes à cette jeunesse européenne issue des migrations magrébines et
africaines qui subit marginalisation sociale, discriminations racistes et déni
culturel. Or ce sont nos enfants et nous leur devons la même reconnaissance et
les mêmes droits. Le peuple français est
un et indivisible et il est temps de comprendre que sa diversité actuelle
impose de construire une culture commune fondée non sur la négation des minorités
mais sur la reconnaissance de leur
apport à la communauté nationale. Quand, dans sa quête de sens, cette jeunesse
rencontrera- t-elle une gauche porteuse d’un récit émancipateur ?
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