lundi 4 avril 2016

Le rappel à l’ordre



Le Seuil vient d’avoir la bonne idée de rééditer le livre de Daniel Lindenberg « Le rappel à l’ordre » publié en 2002 après l’élimination de la gauche à la présidentielle au profit de Jean Marie Le Pen. Cet essai montre à quel point ce séisme politique n’était pas aussi imprévisible que l’on a bien voulu le dire. Son hypothèse centrale tient au fait que la France de la fin du 20esiècle a connu sur le plan des idées une contre révolution réactionnaire. Il pointait déjà les écrits de Michel Houellebecq que la critique littéraire d’alors considérait comme l’un des plus grands écrivains français. Il signalait la dérive droitière d’Alain Finkelkraut venu de l’ultra gauche ainsi que l’émergence d’Alain Soral qui va devenir l’intellectuel attitré de Dieudonné ou Renaud Camus futur théoricien du « grand remplacement »,  prédisant que les migrations du Sud et de l’Orient allaient se substituer à la population dite « de souche ». Il dénonçait la libération de la parole raciste, nationaliste et autoritaire. Il alertait sur le fait que la dénonciation de ce que certains nommaient « les totalitarismes jumeaux » (nazisme et communisme), allait vite glisser vers un relativisme politique mettant sur le même plan résistance et collaboration, réhabilitant la colonisation, mettant en cause l’égalité et la « démocratie de masse » que Houellebecq et Finkelkraut  vouaient déjà aux gémonies, les considérants comme la source de tous nos maux. Il a vu se profiler le procès de Mai 68 et de la libération des mœurs, le rejet d’une culture libérée des normes dominantes, de la société multiculturelle et métissée combattu au nom du sentiment national et des valeurs « française, occidentale, blanche et chrétienne ». Il montrait, à ce propos, les convergences qui s’esquissaient entre « souverainistes de gauche » et tenants de ce que Sarkozy appellera l’identité nationale. Paru après le 11 septembre son essai préfigure les termes du procès instruit à l’encontre de l’Islam avec les premières campagnes islamophobes ; Il va même déceler le tournant droitier d’intellectuels juifs, originaire souvent de l’extrême gauche, au nom de la défense inconditionnelle d’Israël.

Brocardé à l’époque par une partie des medias et des critiques de droite, cet ouvrage a eu le mérite de dénoncer l’émergence d’un discours néoconservateur largement répandu aujourd’hui et d’en avoir analysé le cœur : le refus d’une société ouverte, égalitaire, libertaire et fraternelle. Sa lecture est d’autant plus édifiante aujourd’hui qu’une postface inédite fait le constat que ses hypothèses se sont vérifiées et amplifiées avec,  entre autres, le cas Zemmour. Un livre utile même si Linderberg après qui fait le constat de « l’effondrement » du marxisme après la chute du mur en 89 ne semble pas  percevoir que le temps de la contre –offensive est là. Comme il le dit lui-même la réaction appelle l’action et heureusement, nombres d’intellectuels, en particulier des jeunes, sont aujourd’hui décidés à reconquérir une hégémonie culturelle  émancipatrice.

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