lundi 13 juin 2016

Pourquoi j’aime le foot.


Dans les milieux que je fréquente j’entends d’une façon répétitive et quelque peu exaspérante,  la même question : quand on est  intellectuel et de gauche comment peut-on aimer le foot ? J’ai beau invoquer  Gramsci, Camus ou Ken Loach qui ont dit des choses magnifiques sur le foot, rien n’y fait, le bébé est confondu avec l’eau sale de son bain. Trop d’argent et de médiatisation, d’instrumentalisation politique et de corruption,  de racisme et d’éviction des classes populaires dans les stades. N’en jetez plus ! Oui tout cela est vrai et moi aussi je ne supporte plus de voir à quel point le foot ne s’appartient plus, à quel point il est livré aux marchands du temple qui en font un vulgaire produit markéting à des fins mercantiles et géopolitiques. J’enrage de voir les instances gestionnaires et les gouvernements être les acteurs consentants de cette dérive capitaliste qui n’a plus de limites et qui abime la raison d’être de ce sport universel. Mais comment peut-on reprocher au foot d’être seul le relais des formes de domination et d’aliénation qui caractérisent nos sociétés en crise ? Le monde du foot en France, avec ses 12000 clubs et ses 2 millions de licenciés n’est pas socialement en suspension, mais il joue aussi un rôle positif auprès de la jeunesse des quartiers populaires. Car on l’ignore souvent,  le football, né de la révolution industrielle et de la culture ouvrière,  participe du processus  civilisateur exaltant les vertus cardinales des sociétés démocratiques. C’est à lui que l’on doit la canalisation de la violence car un match de football est un rituel qui tend à euphémiser l’affrontement entre les équipes et à en évacuer la violence avec des règles, des arbitres, un encadrement, dirigeants, entraineurs, capitaines. Il véhicule des valeurs, humanistes, le mérite individuel, l’égalité des chances, la possibilité pour chacun quel que soit son origine sociale, ethnique et géographique de se faire une place dans le monde. La passion pour ce sport, dans des stades qui sont les lieux d’une théâtralisation des rapports sociaux, cristallisent pacifiquement des identités collectives, celles des nations et des villes. Les styles de jeu métaphorisent la culture de chacune de ces communautés comme chaque joueur, son profil et ses qualités, offrent une gamme extraordinairement variée d’identifications possibles à chacun-e des supporter-e-s.
Loin d’être un opium du peuple, le foot anticipe et parfois accélère les aspirations émancipatrices de nos sociétés. On se souvient du rôle joué par le Barça dans la lutte contre le franquisme ou celui de l’équipe nationale algérienne dans le combat pour l’indépendance. On voit moins à quel point le football européen est aujourd’hui le reflet actif du métissage qui caractérise nos sociétés désormais multiculturelles : à une exception près toutes les équipes de l’euro 2016 sont composées, parfois majoritairement, de joueurs issus des immigrations récentes. Quel pied de nez aux Le Pen, Finkelkraut, Zemmour et quel formidable espoir pour demain !

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